© Mica Films
La petite Sarah est élevée par les bonnes sœurs en Belgique. Un jour, son père réapparaît et, lui faisant croire qu’ils partent en week-end, l’emmène définitivement jusqu’au Maroc. Elle se retrouve en terre inconnue dans une famille qu’elle n’avait jusqu’alors jamais vue…
Voici le premier long-métrage d’une cinéaste à suivre. Kadija Leclere, réalisatrice belge d’origine marocaine, s’intéresse aux cultures voisines et profondément différentes. Ni meilleures, ni pires, simplement autres. Des cultures qui se répondent et se complètent quand on ne cherche pas à les opposer ou les dresser les unes contre les autres. Après plusieurs courts-métrages, elle livre "Le Sac de farine" en s’entourant d’une équipe qui va apporter une dose de maestria à ce joli premier long-métrage, telles la belle musique de Christophe Vervoort ou la magnifique lumière du lyonnais Gilles Porte.
À l’écriture, Kadija Leclere travaille avec Pierre-Olivier Mornas ; ensemble, ils tracent le destin d’une enfant enlevée très jeune de son pays natal (la Belgique) mais qui va tout faire pour le retrouver, comme désespérément attirée par lui, comme s’il était ancré dans ses veines. Ce sera son obsession quotidienne. Elle usera de ses valeurs inculquées par les bonnes sœurs pour parvenir à ses fins, non sans dénoter dans le nouveau pays qui va l’accueillir les bras ouverts, l’éduquer à sa manière… Car pas de mathématiques ni d’histoire-géographie dans l’école des filles au Maroc, mais des cours de cuisine ou de tricot.
Kadija Leclere s’imprègne de l’actualité des années 80 au Maroc, apportant une touche sociale à son film. En effet, les étudiants sont en révolte à l’époque, l’éducation leur imposant de payer pour passer le baccalauréat. Le soulèvement de la population renvoie directement aux récentes images des printemps arabes. Un film sur l’émancipation donc, d’autant que Sarah, qui assiste à tout cela, est elle-même dans une mouvance du fait de sa culture : elle refuse le mariage, elle travaille pour payer sa tante et son oncle et pour acheter ces fameux sacs de farine, denrée de première nécessité dont le prix gonfle inlassablement…
Devant la caméra, la crème du cinéma oriental. Hafsia Herzi ("La Graine et le mulet", "La Marche") illumine le film avec cette force intérieure et ce charme ténébreux, Hiam Abbass, qui joue la tante (et vue dans "Les Citronniers", "The Visitor", "La fiancée Syrienne") excelle comme à chaque film et Mehdi Dehbi ("La Folle histoire d’amour de Simon Eskenazy", "Le Fils de l’autre") continue d’épater son monde. Autant dire un joli casting, auquel il faut ajouter la toute jeune Rania Mellouli qui interprète brillamment le rôle de Sarah enfant. Et quand les comédiens sont joliment mis en valeur par les beaux cadrages de la réalisatrice, on assiste à un beau film, qui ne restera certes pas dans les annales du cinéma, mais qui se laissera regarder et apprécier comme les précédentes œuvres qu’il rappelle, tel le récent "Né quelque part".
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