affiche film

© Paramount Pictures France

LE PETIT PRINCE

(The Little Prince)


un film de Mark Osborne

avec : les voix originales de Jeff Bridges, Rachel McAdams, Mackenzie Foy, Paul Rudd, Marion Cotillard, Riley Osborne, James Franco, Benicio Del Toro, Albert Brooks, Ricky Gervais, Paul Giamatti, Bud Cort et les voix françaises de André Dussollier, Florence Foresti, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Guillaume Gallienne, Laurent Lafitte, Vincent Lindon...

Dans un futur proche, une petite fille se retrouve soumise à un emploi du temps strict par sa mère, afin d’espérer réussir d’importants concours. Un jour, son nouveau voisin, un aviateur excentrique, provoque un accident sur sa maison en voulant tester son avion réparé. Intriguée par ce vieil homme qui se comporte comme un enfant, la petite fille tombe sur un vieux manuscrit rédigé par lui, narrant l’histoire de sa rencontre avec un petit personnage nommé le Petit Prince…


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Photo film

POUR : Niveau +3 - Une atypique variation sur le conte de Saint Exupéry

Débutant comme une production des plus modernes, en images de synthèses, léchées, qui feront l'objet d'une diffusion 3D dans certaines salles, l'adaptation tant attendue du Petit Prince a tenu toutes ses promesses, autant graphiques que narratives. Car le film, présenté hors compétition au Festival de Cannes 2015, prend pour point de départ la vie bien réglée d'une petite fille, tentant de rentrer à la Werth Academy, une école de prestige. Dans la maison au même gabarit que les voisines (la vision des banlieues façon « Edward aux mains d'argent » est ici convoquée), c'est une adolescence sans surprise que lui prépare sa mère, allant jusqu'à planifier la moindre tâche par tranche de 10 minutes. Si on s'amuse de l'aspect trop « réglé » de tout cela, c'est tout de même avec une certaine inquiétude en arrière pensée.

Mais ceci était sans compter la présence judicieuse d'un élément perturbateur : un vieillard installé dans la seule maison biscornue du voisinage, inconnu un rien envahissant et qui va s'imposer dans la vie de la fillette. Ancien aviateur, il personnifie Saint-Exupéry lui-même, éveillant la curiosité de la gamine et invitant progressivement cette dernière à prendre place dans ses histoires farfelues mais pleines de bienveillance. Alliant différentes techniques d'animation, des images de synthèse pour représenter le présent, au stop-motion (animation image par image) à base de figurines et décors de papier, pour les récits du vieil aviateur, le film imbrique ainsi avec subtilité le conte du Petit Prince au travers des récits du vieillard, à l'intérieur du récit d'un triste quotidien.

Délivrant divers messages sur l'attention à porter à l'amitié et à l'amour, sur la richesse d'une confronter au monde et aux autres, et surtout sur la nécessité de garder son regard d'enfant, "Le Petit Prince" déploie des montagnes de poésie et dégage une incontestable émotion. Entre magie et nostalgie, cette ode à l'imagination, où les plus assidus retrouveront avec bonheur les personnages clés du roman (la rose, le serpent, le renard, le vaniteux...), le spectateur (re)découvrira avec joie un conte intemporel que ce film d'animation dépoussière avec acuité.


CONTRE : Niveau : 0 - La rose s’est fanée


Un cinéaste comme Luc Besson avait souvent tendance à définir le cinéma comme un moyen de soulager la tête et d’encourager les rêves. Une définition qui convient extrêmement bien au roman le plus célèbre d’Antoine de Saint-Exupéry, dont une hypothétique adaptation cinéma se faisait attendre depuis quelques années. C’est aujourd’hui chose faite sous la houlette d’une équipe entièrement française (ayant déjà travaillé sur l’excellent "Renaissance" de Christian Volckman), et chapeauté par un transfuge de DreamWorks à qui l’on devait déjà "Monstres contre Aliens" et "Kung-fu Panda" . Hélas, sans être une catastrophe totale, le résultat ne suscite qu’une profonde déception. Car la vraie question que l’on aurait dû se poser avant de voir le film était la suivante : comment était-il possible d’adapter un roman aussi particulier ?

Nul doute qu’il était vital de tenter une approche différente d’un matériau de départ qui était déjà à cheval entre le détournement autobiographique (dans son livre, Saint-Exupéry jouait le rôle du narrateur) et le pur appel à une nouvelle perception du monde et de l’univers. Mais là où Saint-Exupéry poussait son lecteur à renouer avec son âme d’enfant, Osborne et ses scénaristes ont opté pour une approche didactique, pour ne pas dire neuneu, consistant à investir une sorte de futur dystopique où règnent l’ordre et la hiérarchie (un monde adulte, en somme), et contre lequel une petite fille va se rebeller… après avoir lu les pages de l’aviateur ! En somme, la narration du film n’encourage pas le spectateur à appréhender lui-même les différentes rencontres du Petit Prince pour en extraire une nouvelle perception du monde, mais le relègue à un rôle de témoin passif de l’évolution d’une petite fille devant quatre ou cinq pages (à peine !) écrites par Saint-Exupéry. Du coup, alors qu’on finissait la lecture du livre ému et galvanisé à l’idée d’avoir renoué avec le monde de l’enfance, on sort du film d’Osborne en n’ayant rien tiré de l’expérience. Car tout, y compris les rêves, est ici voué à l’uniformisation.

Alors, certes, le film donne vie à quelques moments marquants du livre avec un art de la poésie graphique qui sait émouvoir (l’animation est franchement sublime), mais ces moments sont trop succincts et elliptiques pour prendre l’avantage sur le destin – finalement anecdotique – de cette jeune fille. Le plus grave réside surtout dans le fait que la fin du livre, inexplicablement placée en milieu de bobine, aura poussé ici les scénaristes à tenter un dernier acte assez maladroit à la "Hook", où la petite fille utilise l’avion pour sauver le Petit Prince (devenu adolescent et employé comme ramoneur dans une ville ultramoderne) et donc affirmer son droit à ne pas grandir, et patati et patata… Dans le fond, l’idée ne fait pas figure de contresens avec l’esprit de Saint-Exupéry, mais elle se rapproche de celles qui peuplent les dessins animés à tendance moralisatrice tels que les affectionne le studio de l’oncle Walt. Là, pour le coup, on peut sortir les mouchoirs…

Guillaume Gas

03-08-2015

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