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© PAN-EUROPÉENNE – THIERRY VALLETOUX

LE GRAND PARTAGE


un film de Alexandra Leclère

avec : Karin Viard, Didier Bourdon, Valérie Bonneton, Michel Vuillermoz, Josiane Balasko, Patrick Chesnais, Sandra Zidani, Michèle Moretti, Pauline Vaubaillon, Firmine Richard, Anémone, Jackie Berroyer…

Lors d’un hiver extrêmement rigoureux, les habitants d’un immeuble cossu du 6e arrondissement de Paris se retrouvent obligés, par décret gouvernemental, d’héberger des personnes sans domicile fixe…


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Pour : +1 : Panique chez les bourgeois !

En ces temps moroses où la crise économique amplifie cruellement les inégalités sociales, réaliser une comédie sur le refus d’être solidaire avec des personnes dans le besoin est un pari plutôt risqué si on ne veut pas déraper dans la farce de mauvais goût. Cela n’a pas fait peur à Alexandra Leclère qui signe ici une étrange fiction où le gouvernement réquisitionnerait une partie des grands appartements privés pour héberger les travailleurs mal logés ou sans domicile, le temps d’un hiver glacial. Très vite la démographie des beaux quartiers explose obligeant la classe dominante à être solidaire des plus précaires.

Dans un magnifique immeuble rive gauche, résident deux familles politiquement opposées. Les Dubreuil représentent la haute bourgeoisie de droite avec un père réactionnaire, misogyne autant que raciste et une mère, fille de militaire qui passe ses journées à faire du tir à l’arc. À l’étage du dessus demeure les gauchistes Bretzel. Elle, est prof à la fac et lui un romancier à succès un tantinet illuminé. Très engagés, ils battent régulièrement le pavé pour manifester contre les injustices sociales. Autour d’eux gravitent un vieux monsieur nanti souffrant de la solitude, un couple de vieux juifs qui vivent toujours avec les blessures de la guerre et une concierge fouinarde, ouvertement Front national qui cultive sa haine de l’étranger.

Que de clichés n’est-ce pas ?… Pourtant face à l’obligation de partager son intimité avec des inconnus, ces poncifs usités ne tardent pas à se confondre en un seul et même sentiment : l'égoïsme. Quelques soient leurs idées, chacun des protagonistes va à un moment donné, faire quelque chose de peu recommandable pour retrouver son petit confort intérieur. Pour briser certains stéréotypes, les plus méchants ne seront pas forcément ceux que l’on s’imagine et ces variations autour du bien et du mal sont plutôt bien amenées.

En effet, le film flirte entre cynisme et bons sentiments avec une certaine légèreté. Dans l’ensemble, les réparties font mouche et les comiques de situations sont assez coquasses. De quoi passer un bon moment avec un casting aux petits oignons qui se décline entre Bourdon, Viard, Vuillermoz, Bonneton, Balasko et Chesnais, tous impeccables de justesse dans cette caricature des gens aisés, piégés dans leur valeurs. Dommage que ce film chorale, énergique à souhait, se laisse parfois emporter par sa propre inertie en multipliant démesurément les anecdotes au point de se perdre dans des raccourcis surréalistes voire ridicules (le fait que Karine Viard sache parler malien par exemple). Malgré son sujet sulfureux, "Le Grand partage" a su éviter le pire sans pour autant révolutionner le genre. Une bonne comédie familiale ni plus, ni moins.


Contre : -2 : Festival de clichés


Les clichés ont de beaux jours devant eux. Après "Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu" qui forçait le trait de la mixité culturelle, "Le Grand Partage" enfonce le clou de la mixité sociale. Le bourgeois de droite, le bobo de gauche, la concierge au chat borgne nommé Jean-Marie (on vous laisse deviner son appartenance), tout le monde y passe. La finesse ne sera pas au cahier des charges, le but étant d'enfermer les personnages dans des cases aux contours bien grossiers.

Première solution : se contenter de ces étiquettes et essayer d'en rire. Soyons honnêtes, cela fonctionne parfois, à coups de répliques cinglantes venant des personnages les plus odieux (Bourdon et Balasko). Mais est-il besoin de le répéter : une poignée de bonnes répliques n'a jamais fait un bon film !

Deuxième solution : essayer de trouver dans ce pot pourri (littéralement) une réflexion sociale qui fait directement écho à l'arrivée des migrants en France. Mais traiter d'un sujet de société implique d'en faire ressortir la complexité et les contradictions, éventuellement d'esquisser des solutions. Ici, le fond reste à la surface, prétexte à un festival de "gags" provoqués par des personnages hystériques et/ou névrosés. Une seule question est intéressante (que la bande-annonce suffisait à poser) : bienheureux celui qui serait capable d'affirmer ce qu'il ferait à leur place. En attendant de pouvoir le dire, on rit jaune...

Rémi Geoffroy

27-12-2015

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