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De la longue lignée des tueurs à gage, Arthur Bishop est sans doute le plus discret : il s’arrange pour que ses exécutions répondent aux désirs des commanditaires, même lorsqu’il s’agit de faire passer le meurtre pour un accident. Sa vie bien rangée, entre contrats juteux et visites régulières chez une petite amie / call girl, est bouleversée lorsque son patron lui demande d’assassiner son associé Harry McKenna, qui est aussi, incidemment, comme un père de substitution pour Arthur…
Ce n’est pas Simon West qui nous apprendra que l’archétype du tueur à gages s’avère bien souvent plus sentimental qu’il n’en a l’air de prime abord : il peut être émotionnellement fragile (« Ghost Dog »), avoir une profondeur insoupçonnée et quasi philosophique (« Collateral »), un large capital sympathie (Vincent Vega et Jules Winnfield dans « Pulp Fiction »), ou un goût tout neuf pour la parentalité et / ou la pédagogie (« Kill Bill » ou « Léon »). Tout récemment, dans « Petits meurtres à l’anglaise », l’excellent et très rigide Bill Nighy laissait tomber les flingues pour cueillir le cœur de sa charmante « cible émouvante », poursuivant ainsi une longue tradition d’assassins aux émotions rentrées. C’est que le film « de tueur à gages », disons-le ainsi, paie régulièrement son écot au freudisme. La psychanalyse nous expliquerait très bien pourquoi Bill Nighy abandonne son gros calibre bien phallique au moment où il rencontre la très compensatoire Emily Blunt, beauté autrement létale. Le procédé de sublimation fait évoluer le tueur / antihéros jusqu’à lui rendre un semblant d’humanité, en attendant l’indispensable rédemption.
« Le Flingueur » se déroule donc sans invention, mais non sans agrément. Difficile de dire si le dernier long-métrage d’action de Simon West – à qui l’on doit tout de même « Les Ailes de l’enfer » et « Tomb Raider », des productions qui ne font pas tout à fait dans la dentelle – touche volontairement aux problématiques psychanalytiques qui sourdent de la relation entre l’impavide Arthur Bishop et les êtres fugaces et fantomatiques qui constituent l’essentiel de son environnement humain. Qu’elle que soit la réponse à cette question, Freud n’est en tout cas jamais loin. Bishop a pour seul ami un vieillard radoteur qui lui sert également de patron, et qu’il assassine sans verser une larme lorsque le moment est venu (Donald Sutherland offre son corps fatigué à ce bref rôle). Sentimentalement, il se contente de rendre des visites régulières à une call girl de luxe qui, après la bagatelle, lui demande en vain son prénom. Et lorsqu’il se retrouve avec le fils de son ami / victime sur les bras, Steve, un infatigable moins-que-rien (Ben Foster, légèrement tête-à-claques), Bishop accepte, en guise de rédemption, de lui apprendre les bases du métier de nettoyeur. On ne peut pas lui en vouloir : en ces temps de crise, le marché est porteur et il y aura toujours de la poussière à balayer.
Outrepassant une mise en scène plutôt conventionnelle qui ne parvient pas tout à fait à s’affranchir des contraintes instituées par les archétypes du polar (rues glauques, boîtes de nuit, bars malsains, tueur taciturne qui se délasse dans une grande maison isolée), Simon West réussit toutefois à tirer son « Flingueur » vers le haut en privilégiant moins l’action à tout prix que le jeu des trajectoires humaines asymptotiques. Les scènes de meurtre, en elles-mêmes, évitent avec justesse toute forme de surenchère, ce qui ne les empêche pas d’être décapantes. Les scènes plus intimistes, qui traitent des rapports humains, donnent tout du long cette impression que les parcours humains, bien que se rapprochant progressivement, ne pourront jamais se toucher, et encore moins se croiser (c’est évident dans la relation que Bishop entretient avec la call girl, à la fois proche physiquement et lointaine sentimentalement). L’essentiel du film étant consacré à l’apprentissage de Steve, on imagine volontiers que les deux hommes, le professeur et son élève, ne manqueront pas de développer une accointance toute familière ; ce qui, précisément, déjouant notre attente avec astuce, n’advient jamais.
Freudien, le film l’est encore en ce qu’il joue constamment sur les correspondances père / fils. A l’intérieur du récit : Bishop tue son père de substitution, Harry, et en devient symboliquement un autre pour Steve. Leurs rapports deviennent aussi complexes qu’au sein d’une vraie famille, les cadavres et les flaques de sang en plus. Et en dehors du plateau : « Le Flingueur » est le remake d’un film de Michael Winner de 1972, avec Charles Bronson dans le rôle titre (soit le réalisateur et l’acteur du fameux « Un justicier dans la ville »), produit par les pères des deux producteurs de la version 2011, David Winkler et Bill Chartoff ! Une affaire de famille, donc. D’autant plus que « Le Flingueur » appartient à une famille qui semble faire nombre de petits ces dernières années : celle du film d’action vintage, puisant au sein des sacro-saintes années 70 / 80, soit la matière (ici, le scénario) soit les acteurs (voir « The Expendables »). Voilà qui devrait pour le moins faire plaisir aux grands enfants que nous sommes, nous les spectateurs acharnés de films d’action !
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