affiche film

© Haut et Court

LE FILS DE L'AUTRE


un film de Lorraine Levy

avec : Emmanuelle Devos, Pascal Elbé, Mehdi Dehbi, Jules Sitruk, Khalifa Natour, Areen Omari, Mahmoud Shalaby, Bruno Podalydès…

Né à Haïfa, Joseph, du haut de ses 18 ans, passe différents examens pour intégrer le service militaire israélien. Ses tests sanguins révèlent à la surprise générale qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents. Les services hospitaliers concluent qu’il a été échangé avec un autre nouveau-né venu au monde dans la même maternité ce jour-là. Cet autre, c’est Yacine, élevé en Cisjordonie de l’autre côté du mur et qui revient tout juste de France où il vient de passer avec succès son baccalauréat…


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Photo film

Conte israélo-palestinien

D’un côté, une famille juive israélienne. De l’autre, une famille arabe palestinienne de Cisjordanie. Deux enfants nés le même jour et échangés accidentellement à la naissance. Dans le conflit qui déchire deux peuples, qui aurait imaginé les rassembler par la descendance, la chair d’une progéniture ? En refaisant « La Vie est un long fleuve tranquille » sur la terre sainte, Lorraine Levy – d’après une histoire de Noam Fitoussi – traite d’un sujet tout à la fois politique, identitaire, religieux et philosophique. Quelle place occuper entre filiation vécue et filiation naturelle ? Vers quel saint se vouer quand on a été élevé à partir de la Torah et qu’on apprend que ses parents biologiques vouent leur culte à Allah ? Un sujet dense, ambitieux traité de manière sensible par sa réalisatrice Lorraine Levy (« Mes amis, mes amours ») mais qui n’évite pas une certaine utopie voire un optimisme naïf…

Pour incarner les deux jeunes qui voient leur destin bouleversé, Lorraine Levy a choisi le jeune garçon qui accompagnait Gérard Jugnot dans « Monsieur Batignole », Jules Sitruk et le jeune homme qui faisait tourner la tête d’Antoine de Caunes dans « La Folle histoire d'amour de Simon Eskenazy », Mehdi Dehbi. Des choix intéressants, pas tant au niveau de leur physique (on cherche péniblement des ressemblances avec leurs « vrais » parents) mais plutôt grâce à leur talent : ces représentants d’Isaac et Ismaël, fils d’Abraham, empoignent avec ferveur et justesse leur destinée, leur quête identitaire et leurs rapports conflictuels avec une famille qui s’agrandit brusquement.

Qui dit famille dit parents. « Le Fils de l’autre » n’est pas seulement une histoire à hauteur d’adolescents qui se cherchent. Le film traite également du couple et du rapport parents-enfants. Le casting vous promet ici aussi de belles rencontres avec les couples Emmanuelle Devos-Pascal Elbé et Areen Omari-Khalifa Natour. Le regard de la réalisatrice semble toutefois tourné vers un schéma un peu trop classique pour ne pas dire cliché : relation fusionnelle des fils avec leur mère tandis que les pères sont retranchés dans leurs idéaux et leurs croyances qui les paralysent et les nécrosent de l’intérieur. À l'opposé, les mères font face avec dignité et respect et prennent les décisions les plus adultes, alors qu’elles se trouvent au milieu d’un tourbillon qui pourrait les submerger – comme dans cette scène où Emmanuelle Devos est encerclé de vagues déchaînées. Le film va donc peut-être un peu trop loin dans cette différence assumée et ce « girl power » décomplexé.

Côté réalisation, Lorraine Levy a encore quelques progrès à faire pour laisser sur le bord de la route ses gros sabots qui nous traînent sur des chemins un peu trop balisés. On aurait tellement aimé être autrement porté dans ce conte même s’il faut lui reconnaître une certaine sagesse et une maturité depuis son premier film (« La première fois que j’ai eu vingt ans »). Sans peut-être s’en rendre compte, elle touche à un sujet à la fois universel (qui suis-je ? d’où viens-je ? où vais-je ?) et terriblement contemporain et grave (le conflit israélo-palestinien) tout en traitant de la différence et du rejet face à la nature de l’autre.

Le film pose la question simple et lucide : refuserait-on de reconnaître son propre enfant s’il appartenait à une communauté ennemie ? Un moyen détourné d’aborder le conflit israélo-palestinien et d’en mesurer la légitimité. La réponse pour l’espoir (de paix) est certes belle, mais elle est surtout candide et utopique…

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