Emilio perd les pédales. Retraité, s'imaginant encore par moment en patron de banque qu'il était, il va devoir rejoindre un établissement spécialisé, son fils ne pouvant plus s'occuper de lui. À peine installé dans cet inquiétant endroit, il fait la connaissance de Miguel, son camarade de chambre, au bagout prononcé...
Adapté par Ignacio Ferreras d'une bande dessiné de Paco Roca (2008), « Arrugas » (les rides, en français) est un dessin animé en deux dimensions, qui relate la longue déchéance d'un homme âgé, Emilio. La première scène, trompeuse, nous met directement dans le bain : les choses ne vont pas bien pour lui. On y découvre un couple assis face à un homme en costume, refusant de leur accorder un prêt. Face à ce refus le mari s'emporte, se lève, se met à crier... et la réalité prend le dessus : la table se transforme en lit, le costume en pyjama, et les cheveux du banquier ternissent. Cet ancien directeur de succursale bancaire n'est plus qu'un vieux monsieur qui perd les pédales et refuse non pas d'accorder un prêt, mais de manger sa soupe !
Sans transition, le voici donc admis dans une maison de retraite. Avec intelligence, le réalisateur dresse un parallèle entre la peur de ce nouveau lieu et les souvenirs d'enfance qui remontent (l'entrée dans une nouvelle classe où tous les élèves vous dévisagent...). Le lieu est ainsi présenté comme un monde hostile, aux couloirs longs et sinistres, possédant même un étage interdit d'où proviennent des cris étouffés. Subtilement atténuée par la roublardise pratico-pratique de son guide, Miguel, le camarade de chambre argentin, la visite des lieux se fait avec un recul salvateur, qui permet au personnage comme au spectateur de respirer.
De la même manière, on fera ainsi rapidement connaissance avec cinq personnages principaux, noyau rassurant qui se rassemble à la même table pour les repas, mais qui sera implacablement amener à se déliter. Récit d'une dégradation annoncée, « Arrugas » fait du coup office de fable sur la recherche de la dignité, montrant à la fois les dégâts de la maladie d'Alzheimer et les stratagèmes pour la faire reculer ou la dissimuler, tout comme pour diminuer la solitude. Ne cachant pas les dysfonctionnements des maisons de repos, l'auteur préfère en faire une peinture distanciée, du point de vue des patients. Il écarte ainsi les visiteurs, les médecins, ne leur donnant la parole qu'à de rares occasions, et se concentre sur les lieux : une piscine jamais utilisée, mais élément de vente du « séjour », un étage dédié aux cas graves qui sonne comme la menace d'une prochaine étape...
L'amitié naissante entre les deux vieux messieurs, Emilio et Miguel, aux caractères opposés, forme avec la thématique de l'entraide les deux piliers d'une histoire dont la tristesse est contrebalancée avec régularité par un humour toujours sur le fil du rasoir. Le résultat est un dessin animé aussi magique que cruel, à l'animation simple centrée sur les attitudes, dont les deux personnages principaux ne pourront que vous revenir en mémoire au moment de prendre la décision de mettre ou non vos parents en maison spécialisée.
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