Un docu qui pourfend nombre d’idées reçues

Ce documentaire déjà passé un soir, il y a deux ans sur ARTE, a survécu dans les festivals militants et renaît cette fois sur le grand écran grâce à la volonté des salles Utopia, certes la distribution se limite à 5 salles sur toute la France (le film est en vidéo et non en 35mm). Pourtant il apparaît nécessaire que ce film tourné en Belgique et en France soit vu du plus grand nombre tant il est rafraîchissant de vérité en ces temps de réponses ultra sécuritaires.

Car le propos du film c'est bien la criminalisation de la pauvreté et de l'immigré, cette dualisation de plus en plus grande entre riches et pauvres, entre une classe dominante et une population précaire. Le film démonte avec justesse le mécanisme d'un Etat qui via le contrôle, la vidéosurveillance, la justice et la prison maintient un semblant d' « équilibre » dans une société de consommation « pousse au crime » (exceptionnelle la scène de comparution immédiate et impressionnante la scène filmée depuis la salle de vidéosurveillance, toutes deux réalisées à Lyon).

Le projet de ce documentaire est né dans l'esprit du réalisateur au moment où le ministre belge de la justice a commandé un rapport sur les liens entre immigration et délinquance. Ce film est la plus belle réponse possible. Il aborde le mythe de l'ascenseur social ainsi que le quotidien du racisme ambiant (anthologique l'échange à Fourvière entre une catho intégriste et un acteur social issu de l'immigration). Le film pourfend nombre d'idées reçues et pourtant tenaces. Il alterne les situations comiques (les relations CRS - magrébins au quotidien sur les parkings de banlieux) et l'émotion pure (la réflexion pleine de justesse faite sur la vie par un prisonnier de 19 ans enfermé depuis l'âge de 16 ans) comme autant de constats d'une injustice banalisée et pourtant si criante à la vue de ces images.

La force de ce documentaire c'est qu'il n'est à aucun moment militant ou moralisateur, le réalisateur Patric Jean nous montre la réalité de l'injustice de manière simple, naturelle, banale. Les témoignages émouvants, parfois drôles et l'image se suffisent à eux-mêmes pour insinuer un doute face à la pensée unique sur la délinquance servie par les médias. Le plus borné des beaufs ne peut sortir de cette projection qu'avec un surplus d'humanité...ou c'est à désespérer... En tout cela ce documentaire est salutaire, mieux, essentiel !