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Fondées dans l’urgence de l’après-guerre, les maisons d’enfants ont accueilli des milliers d’orphelins en tous points d’une France fraîchement libérée. L’une d’entre elles est tenue par Nina, une femme forte qui régit l’établissement avec rigueur. Mais tout bascule le jour où celle-ci doit accueillir de jeunes survivants du camp d’extermination de Buchenwald. Décidée à leur redonner goût de vivre, Nina se confrontera aux gigantesques barrières psychologiques qu’ont érigé ces enfants ayant vécu l’horreur …
A en regarder les premières images, on se demande bien ce que l’on pourrait trouver de vraiment attrayant à ce film. Des enfants un peu déboussolés, un orphelinat … et déjà voit-on débouler la description d’enfances doucereuses malgré l’absence parentale, un style qui surferait discrètement sur la vague des Choristes. Mais très vite, le récit dévoile ses atouts et instaure sa différence.
Et elle est de taille ! Car c’est au sein d’une des pages les moins connues de l’histoire de la France d’après-guerre que le réalisateur et scénariste Richard Dembo a choisi de développer son scénario. Boudé par les médias de masse qui se cantonnent à parler de leurs aînés à travers la n-ième rediffusion de Nuit et Brouillard, le traitement réservé aux jeunes orphelins de retour des camps de la Mort ne semble vraisemblablement jamais avoir été dévoilé au grand public. Et tout s’explique tant on découvre au fil du récit les facettes peu glorieuses que recèle cette époque finalement méconnue.
Prenant racine dans une Libération qui s’élargit à la totalité du territoire français et empiète déjà sur les terres de la dictature allemande, le scénario ne semble pouvoir être que tiré vers l’amélioration (plus de vies, plus de liberté, plus de confort …). Et pourtant, c’est aussi l’époque où l’on découvre les images de la libération des camps. Et Nina en sera d’ailleurs l’une des premières spectatrices, ces dernières lui étant projetées par un officier américain, lui annonçant par la même occasion qu’elle devra s’occuper d’un bon nombre des enfants retrouvés au camp de Buchenwald. La tension est dès lors palpable puisque en plus des difficultés déjà présentes (manque de nourriture principalement), il se pourrait que le pire reste à venir. Et ainsi, dans une première partie vit on dans l’ambivalence d’une joie de la guerre qui se termine et d’une lourde responsabilité future à endosser.
Le long travelling présentant l’arrivée en gare des orphelins en est d’ailleurs l’exemple car il est accompagné d’un sous-titre qui nous informe de la création bienvenue de l’ONU. Mais, mal introduite, cette séquence qui se devait chargée d’émotion tombe un peu comme un pavé dans la mare. Certes, l’idée d’indiquer par des sous-titres les différents évènements qui constituent la fin de la guerre sur des scènes de vie quotidienne n’était pas une mauvaise idée, quoiqu’un peu facile. Mais l’appliquer à cette séquence paraît inapproprié, car ce qui se déroule à l’écran est aussi un événement historique.
Quoique … les choses sérieuses commencent finalement après, à l’arrivée à l’orphelinat, où les premiers rapports tournent aux conflits les plus absurdes, motivés par des différences de langues et de pratiques religieuses. Et c’est ce que devra gérer Nina, car n’oublions pas que le centre du film se porte surtout sur ce personnage. Femme d’une rare sincérité, interprétée par une Agnès Jaoui remarquable qui a troqué ses habituels rôles de jeune demoiselle pour celui de « mère » entre deux âges, cette personne atypique relève d’une fonction ambivalente. En effet, d’une part Dembo a clairement orienté sa mise en scène afin que le spectateur s’identifie à elle, notamment parce qu’à côté des orphelins, Nina est la personne la plus « normale ». Mais de cet habile postulat, elle se révèle également exceptionnelle au fil du film de par son appréhension des situations complexes, même si parfois elle est dépassée par les événements (ce qui la rend d’autant plus humaine). Permettant tant une approche externe du problème qu’un questionnement interne au spectateur, due à l’identification (on se demande en effet plus d’une fois comment nous-même aurions traités les différents problèmes), le personnage de Nina évite l’avalanche superficielle de pathos sans pour autant bercer dans l’austérité purement descriptive.
Ainsi, malgré une action assez statique (elle se déroule principalement à l’orphelinat), une réalisation qui n’a rien de transcendant, un jeu des jeunes acteurs parfois proche de la récitation et une narration qui arbore plus les traits d’une chronique comprenant presque autant de petites histoires que de personnages, La Maison de Nina intéresse largement tout au long de ses deux heures. De plus, le scénario nous tiens en haleine par une évolution lente mais réaliste des personnages, et le spectateur résistera difficilement à se prendre au jeu du : « mais comment ça va se finir ?»
Ces évolutions trahissent finalement l’ambition de Dembo : il ne s’agit pas là d’un film historique figé, mais bien d’une histoire universelle qui interroge sur les capacités de l’esprit humain à retrouver goût à la vie après un traumatisme. Certes, ce n’est pas la première fois que la question est traitée, mais le contexte inhabituel du récit ne peut laisser indifférent. En tous cas, on se retrouve finalement bien loin des Choristes … si ce n’est qu’on souhaite à La Maison de Nina d’avoir la même carrière commerciale !
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