©shellac
Blandine arrive à Paris depuis Brazzaville pour demander l’asile politique et rejoindre son mari, Papi, déjà immigré depuis plus d’un an. Mais rien ne va être simple et elle va être retenue avec d’autres immigrés durant de longs jours, à l’aéroport, par des services de police agressifs, dont les agissements scandaleux blessent indirectement Blandine à la jambe…
Le film commence comme une dénonciation provocatrice des services policiers de l’immigration. Les immigrés sont traités comme des animaux (enfermés, insultés, déshabillés, tutoyés tels des gamins délinquants…) et les policiers sont filmés sans expression, statiques, inhumains. Le malaise gronde et monte au fil des séquences, le tout filmé en de longs et lents plans séquence ponctués de scènes violentes, comme pour nous faire ressentir l’horrible attente de ces personnes déjà désespérées. Mais tout cela ressemble à un discours d’une extrême gauche réactionnaire et paranoïaque qui paraît voir le mal d’extrême droite partout.
Le malaise est d’autant plus fort qu’on ne peut discerner le niveau de crédibilité de tout ce que Nicolas Klotz nous donne à voir. Où se situe le degré d’exagération et la limite du réalisme ? Peut-on généraliser ces évènements monstrueux ? Le réalisateur n’est-il pas en train de stigmatiser le cliché déjà bien ancré d’une police brutale, irrespectueuse et raciste, dans une vision un peu trop manichéenne du sujet ? Doit-on croire possible cette capacité qu’auraient ces services de police à faire régner la terreur et leurs propres "lois", à l’écart de ministères montrés comme impuissants et naïfs ? Petit à petit, le film expose ses limites : Nicolas Klotz pose sans doute plus de questions qu’il ne l’aurait souhaité, embrouille inutilement le spectateur, et n’apporte aucune vraie réponse ni solution.
Puis arrive un homme du ministère, scandalisé, qui veut faire la lumière sur les actions cachées de cette police. On croit alors retrouver un quelque chose du Jean-Louis Trintignant de Z et on se met à espérer une histoire construite. Peine perdue, ce personnage ne fait qu’une brève apparition. Sans doute est-ce pour appuyer la critique du pouvoir auquel ce genre d’exactions échappe, toujours est-il qu’on est déçu de voir cet élément s’évanouir si vite dans un récit de plus en plus ennuyeux. Car la blessure que Klotz veut nous décrire n’est pas dans ce leurre physique qu’est la plaie de Blandine mais dans une blessure morale apparemment inexorable de ces âmes, perdues dans un pays qui ne les veut pas.
S’ensuit alors, après cette première heure, une sorte de contemplation morose de la vie d’un squat condamné à être incessamment détruit. Klotz étire de plus en plus le temps à travers des séquences de désœuvrement total et de dépression palpable, mais il ne parvient presque jamais à faire concorder l’image et le verbe. Tantôt on est confronté au silence des personnages dans une atmosphère de cacophonie lointaine qui baigne des plans fixes quasi documentaires et plus ou moins esthétiques (mais vite lassants), tantôt on doit supporter de longs monologues (souvent mal joués) expliquant des séquences absentes du film, qu’on aurait préféré voir plutôt qu’entendre. Si bien qu’on peut aisément fermer les yeux à ces instants, comme si on écoutait un reportage de France Infos !
Montrer ce vide quasi absolu n’est a priori pas inutile mais l’agaçante répétition de telles séquences devient insupportable au point qu’on aimerait pouvoir appuyer sur "avance rapide" ou, plus catégorique, quitter la salle. La blessure se gangrène dans cet ennui oppressant et on se met à douter de l’existence d’une fin ! Tout cela semble trahir une absence cruelle d’inspiration et/ou d’arguments, comme une sorte d’anorexie filmique, tant dans le fond que dans la forme, que l’arrivée d’un peu de musique au bout d’1h30 peine à compenser.
La deuxième heure passée, alors que le couple Blandine - Papi se promène dans un Paris nocturne sous fond de Joy Division, ça sent le dénouement proche. Erreur ! Ce montage trompe-l’œil nous présente ensuite une séquence où Papi sourit de nouveau car il a trouvé du boulot. Nous voilà donc repartis pour un tour, plus court heureusement, mais qui paraît plus long qu’il ne l’aurait paru si Klotz avait eu la bonne idée de tronçonner le milieu de son corps filmique !
L’étirement touche néanmoins à sa fin et pousse à l’extrême son expérimentation marathonienne dans une dernière scène où un immigré sierra-léonais hors champ raconte son chemin de croix qui l’avait conduit jusqu’en France, illustrée par un interminable plan serré de la route en travelling arrière depuis le fond d’un camion. Symbole pompeux de cette galère d’immigrés mais aussi du déroulement poussif de ce film, qui atteint enfin l’apogée de son agonie, jusqu’à cette dernière minute de noir où la voix tente de persister, avant ce silence radio intégral pour un générique libérateur ! Ouf, le film ne dépassera pas 2h40 !
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