affiche film

© Sony Pictures Releasing France

INTERVIEW QUI TUE ! (L’)

(The Interview)


un film de Seth Rogen et Evan Goldberg

avec : Seth Rogen, James Franco, Lizzy Caplan, Randall Park, Diana Bang, Timothy Simons, Reese Alexander, Anders Holm, Eminem...

Dave Skylark est l’animateur quelque peu dĂ©jantĂ© d’un talk-show qui bat des records d’audience Ă  grands renforts de scoops inĂ©dits. Lui et son producteur Aaron Rapaport sont un jour sollicitĂ©s par le gouvernement nord-corĂ©en pour interviewer le leader suprĂȘme Kim Jong-un, ceci dans le but d’embellir l’image de leur nation. Toutefois, le FBI, conscient de la menace que reprĂ©sente une telle dictature communiste, les charge tous les deux d’une mission : assassiner Kim durant l’interview



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Photo film

Tout ça pour ça ?!?

Avec le recul, on Ă©tait vraiment bĂȘtes. BĂȘtes de penser qu’une simple comĂ©die amĂ©ricaine ayant failli dĂ©clencher Ă  elle toute seule la TroisiĂšme Guerre Mondiale puisse forcĂ©ment ĂȘtre un monument d’humour subversif. BĂȘtes de croire que Kim Jong-un et sa clique totalitaire aient pu se sentir insultĂ©s par un tel film (d’autant qu’ils ne l’ont sans doute jamais vu), alors que le gĂ©nial "Team America" de Trey Parker, pourtant passĂ© inaperçu Ă  sa sortie en salles, allait mille fois plus loin dans le torpillage anti-Pyongyang. BĂȘtes de s’imaginer qu’on allait se fracasser les cĂŽtes de rire devant une comĂ©die qui, faut-il le rappeler, est avant tout l’Ɠuvre du binĂŽme formĂ© par Seth Rogen et Evan Goldberg. Soit deux mecs trĂšs sympathiques, dĂ©jĂ  scĂ©naristes d’une poignĂ©e de dĂ©lires salvateurs (dont "SuperGrave" et la brillante adaptation de "The Green Hornet"), mais dont les premiers pas de rĂ©alisateurs n’ont rien eu de concluant.

Sans grande surprise, "L’interview qui tue" est la suite logique de ce qui avait Ă©tĂ© amorcĂ© dans "C’est la fin", soit un gros dĂ©lire conçu par une joyeuse troupe de gros vanneurs biberonnĂ©s au Saturday Night Live et portĂ©s au triomphe par la Judd Apatow’s touch, mais qui, Ă  force de trop forcer la connivence vis-Ă -vis du public, en arrivent Ă  ĂȘtre les seuls Ă  rire de leurs propres conneries. "C’est la fin" avait dĂ©jĂ  posĂ© les bases du concept : une idĂ©e de dĂ©part mortelle (la moitiĂ© d’Hollywood jouant son propre rĂŽle au beau milieu d’une apocalypse) pour un rĂ©sultat bĂȘte, terne, sans rythme et ressassant les mĂȘmes ressorts comiques (en particulier une obsession assez Ă©trange pour les gays). Rebelote ici dĂšs l’intro sur un plateau de tĂ©lĂ©, oĂč l’inattendu Eminem justifie l’agressivitĂ© des paroles de ses chansons en avouant au prĂ©sentateur son homosexualitĂ©. Le reste du film ne vole pas plus haut niveau humour : plein de blagues sur les obĂšses, les margaritas, les nichons, les pĂ©nis en Ă©rection, les bombes en forme de tube profilĂ© (on vous laisse deviner oĂč et comment Seth Rogen va devoir la cacher
), le cameltoe de Miley Cyrus, ou mĂȘme la passion cachĂ©e de Kim Jong-un pour les chansons de Katy Perry
 Poussif, c’est le mot


On pourra toujours sauver une bagarre Ă  la fois gore et rigolote dans une rĂ©gie tĂ©lĂ©visĂ©e (avec pas mal de doigts arrachĂ©s Ă  coups de dents !), mais sur le terrain de la rigolade, tout tombe un peu Ă  plat, la faute Ă  un vrai manque d’inventivitĂ©, Ă  une lourdeur mal canalisĂ©e, ou tout simplement Ă  la persistance d’un casting engagĂ© en boucle (et en roue libre) dans une partition comique dĂ©jĂ  Ă©puisĂ©e. Et lĂ -dessus, face Ă  un Seth Rogen invariable dans son numĂ©ro de gros nounours dĂ©complexĂ© et prompt Ă  subir les pires catastrophes, on aurait surtout envie de conseiller Ă  James Franco d’arrĂȘter d’urgence le cocktail alcool-cocaĂŻne : dĂ©sormais lĂąchĂ© en roue libre dans un numĂ©ro ne nĂ©cessitant aucune forme de mesure, vĂ©ritable performeur en grimaces outranciĂšres et excessif dans la moindre intonation de voix, l’acteur portĂ© au sommet d’Hollywood par ses prestations inoubliables dans "127 heures" et "Spring Breakers" en devient proprement insupportable et menace Ă  lui tout seul de couler le film.

Quant au scĂ©nario, retraçant la mission de deux showmen chargĂ©s par le FBI de tuer le dictateur nord-corĂ©en lors d’une interview, il n’offre que le minimum syndical en terme d’enjeux et de satire : le premier (Rogen) tombe sous le charme d’une directrice de propagande bouillante comme une baraque Ă  frites, le second (Franco) fait ami-ami avec le dictateur avant de dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ© sur le rĂ©gime, et les deux se servent au final de l’interview pour rĂ©vĂ©ler aux yeux du monde les mensonges de Kim Jong-un, lĂ  encore toujours sur fond de Katy Perry et de rĂ©pliques militaires (en rĂ©sumĂ©, un tank contre un hĂ©licoptĂšre). Le verdict est sans appel : tant de bazar politico-mĂ©diatique pour si peu de folie subversive se rĂ©vĂšle suffisant pour nous encourager Ă  privilĂ©gier l’hypothĂšse d’un buzz calculĂ©. En l’état, ça a fonctionnĂ©. Mais pour combien de temps ?

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