© Haut et Court
Une institutrice découvre qu’un élève de sa classe s’avère être un véritable poète en herbe. Rapidement, l’enseignante se transforme en mentor, prête à tout pour que le grand public découvre le talent de ce jeune prodige…
Un homme de dos, assis confortablement dans un canapé, en train de s’abrutir devant une émission de téléréalité, tel est le début de "L’Institutrice". Puis l’individu se retourne à plusieurs reprises, heurtant la caméra, comme s’il espérait que quelqu’un vienne partager ce moment avec lui. Une femme s’exécute avant de disparaitre aussi rapidement. Car elle n’appartient pas à ce monde, car elle ne se soumet pas au poids de l’image, car elle ne souhaite pas rentrer dans le moule que lui imposent les règles coercitives d’une société. Elle, l’institutrice qui donne son titre au film, fait partie de ceux qui croient en la puissance des mots, aux armes verbales pour faire changer les choses.
Néanmoins, le réalisateur Nadav Lapid va préférer cacher son manifeste politique derrière la relation ambigüe entre cette enseignante et son élève, usant de subtilité pour donner plusieurs dimensions aux actions connotées des protagonistes. Lorsque Nira, amoureuse des vers, découvre que le jeune Yoav est un génie de la rime, elle ne peut s’empêcher de lui piquer ses poèmes pour pavaner à son atelier du soir. Et alors qu’elle avait toujours recherché vainement à se faire remarquer, les mots du bambin lui vaut enfin l’admiration des autres. Mais l’histoire du vol de ces strophes va évoluer vers des pistes insoupçonnées, une obscure relation s’installant entre la professeure et son élève. De voleuse, elle devient mentor, prête à tout pour que le gamin utilise son talent dans sa quête de poésie absolue.
S’amusant à poser sa caméra à des endroits incongrus, tantôt à hauteur d’enfants, tantôt subjective, mais toujours au plus proche des corps, le cinéaste israélien recourt à une très large gamme de procédés cinématographiques pour souligner son propos. Transcendé par une superbe photographie, le métrage solaire et onirique ne cesse de surprendre le spectateur, notamment dans son aisance à évoquer l’enfermement. Et plus que le questionnement sur ce que représente le fait d’être un poète de nos jours, le film renvoie aux contradictions qui existent dans une société réglementée où une pensée divergente ne peut être que répréhensible.
Mais au lieu de chercher à édulcorer son récit par à un recours au manichéisme, le réalisateur opte pour l’absence de jugement. Bienveillant, il accompagne son personnage principal dans sa dérive, renforçant considérablement l’empathie des spectateurs envers cette femme en recherche d’un idéal impossible. L’interprétation de Sarit Larry étant époustouflante, tous les ingrédients du grand film, aussi engagé que romanesque, étaient présents. Et Nadav Lapid a définitivement su les utiliser à bon escient.
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