© Gaumont Distribution
Michel Racine, président de cour d'assises redouté, est aussi exigeant envers lui-même qu'avec les autres. Malgré un début de grippe carabiné, il s'apprête à présider le procès d'un jeune homme accusé d'avoir maltraité et tué sa fillette de 7 ans. Mais au moment d'appeler les jurés, il tire au sort un nom qui lui est familier. Ce nom, serait-ce celui d'une femme qu'il a jadis aimée ?
Ovationné à la Mostra de Venise 2015, où il est d'ailleurs reparti avec deux prix (scénario et interprétation masculine), "L’Hermine", le 10e long métrage de Christian Vincent, manie aussi bien l'art du portrait – celui d'un homme à première vue détestable – que de la réflexion sociétale de fond – en l'occurrence, le rôle de la justice. Le film réussit notamment une double prouesse. D'abord, celle d'offrir à Fabrice Luchini un rôle en or, à la fois finement écrit et délicieusement nuancé. Que ceux qui reprochent à l'acteur d'être devenu au fil des films une caricature de lui-même se ravisent : la palette de son jeu est ici exploitée dans de parfaites et justes proportions. Celle, ensuite, de réussir un judicieux mélange entre film de procès (les débats des jurés ne sont pas sans rappeler "Douze hommes en colère" de Sidney Lumet) et film d'auteur "à la française", créant ainsi une agréable sensation de nouveauté.
Tel un pied-de-nez au déterminisme dont peut parfois souffrir le cinéma social ou réaliste, le film affiche une insolente imprévisibilité. L'histoire se déroule au Pas-de-Calais ? Les personnages existent davantage par leur tempérament que par leur origine sociale. Le procès concerne un infanticide ? Le film évite tout misérabilisme, s'intéressant davantage aux réflexions des jurés civils qu'aux motivations des témoins et de l’accusé. Pas de peinture sociale en creux, donc, ni de critique du système. Le film captive et passionne sans jamais recourir à la spectacularisation, par la simple force de son écriture et de sa remarquable interprétation collective (portée entre autres par la toujours excellente Corinne Masiero, en juge franche du collier).
Et l'amour, dans tout ça ? Il est présent en sous-couche, à travers l'évocation d'une idylle passée entre le juge Racine et la belle Birgit, incarnée par l'étonnante Sidse Babett Knudsen (connue pour son rôle dans la série danoise "Borgen, une femme au pouvoir"). Elément secondaire du récit, cette dimension romantique sert principalement à révéler la part sensible du protagoniste, au même titre que ses rares et subtiles interactions avec les autres représentants de la justice (comme les railleries des avocats faites dans son dos ou, à l'inverse, le gentil compliment d'une assistante à la fin du procès). Et il faut reconnaître que la magie opère : si le personnage mal-aimé de Lucchini prête à faire sourire dans la première moitié du film, il finit par s'imposer à nous comme une émouvante figure de dignité.
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