© The Walt Disney Company France
Un vieux manchot empereur veille sur sa progéniture. Sans doute son dernier poussin, qui devra résister aux conditions drastiques de l’Antarctique auxquelles sont soumis ces oiseaux, puis apprendre à vivre de façon autonome...
Le cinquième long métrage de Luc Jacquet s’inscrit dans une double logique. Il contribue à alimenter, après notamment « Les Ailes pourpres », « Pollen » ou encore « Félins », le catalogue de Disneynature, label qui avait été créé en s’inspirant du succès de « La Marche de l’empereur ». Et « L’Empereur » suit évidemment le fil rouge de la carrière de son réalisateur, qui a débuté en Antarctique en 1991 et qui a récemment consacré au continent austral le magnifique documentaire « La Glace et le Ciel » et la très belle exposition « Antarctica ».
La passion de Jacquet peut se comprendre – humainement ou scientifiquement – mais on peut commencer à se demander si cette obstination à filmer les mêmes sujets ne risque pas de lasser le public et de s’épuiser d’un point de vue cinématographique. Le début de « L’Empereur » a plutôt tendance à accréditer cette crainte, tant il peut apparaître comme une redite de « La Marche de l’empereur » (avec lequel on ne peut s’empêcher de comparer ce nouveau film), dans un style plus classique avec son narrateur unique à la troisième personne. Le cinéma de Luc Jacquet se montre moins inventif et son recours aux flashbacks s’avère un peu lourd. Le choix de Lambert Wilson en voix-off est a priori enthousiasmant, tant les manières altières de son intonation habituelle paraissent cohérentes avec l’impérialité de l’oiseau filmé, mais on peut, du coup, regretter que l’acteur ait trop lissé son jeu. La musique est un autre signe de manque d’audace : si la composition de Cyrille Aufort ne manque pas de charme, elle n’atteint pas celle qu’il avait créée pour « La Glace et le Ciel » ou celle d’Emilie Simon pour « La Marche de l’empereur ». Quand on se souvient du traitement réservé à ce dernier par le distributeur américain (une narration unique déclamée par Morgan Freeman et une bande-son alternative franchement fade), on peut se demander s’il n’y a pas là une désespérante pression de Disney ou une certaine autocensure artistique (peut-être inconsciente) de la part du réalisateur et de son équipe.
Malgré cela, il est facile de se laisser (em)porter par la splendeur des plans et par l’époustouflant sujet du film. L’intérêt surgit d’autant mieux que la deuxième partie revêt de plus amples qualités. La narration s’assouplit, la musique propose quelques airs plus originaux, et le film aborde des aspects de la vie des manchots qui n’étaient pas présents dans « La Marche de l’empereur », comme le voyage final des poussins vers l’océan. La plus grande réussite du film tient dans la séquence sous-marine, qui propose, à l’instar de l’exposition « Antarctica », des images inédites des fonds de l’Océan Austral. La poésie de ces passages est telle qu’ils éclipsent les déceptions ou imperfections évoquées plus haut. On a l’impression de glisser sereinement sous l’eau en compagnie des manchots, au point de mieux concevoir la fascination de Jacquet pour ces oiseaux. Et il y a ce plan exceptionnel, véritable pivot du film. Un plan renversé (et renversant) où le manchot paraît glisser sur le dos sur une surface irréelle. Un plan envoûtant qui justifie à lui seul que l’on aille voir ce film et qu’il s’agit bien de cinéma !
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