© Haut et Court
Gaspard et Marion, sa copine, trouvent un téléphone portable. Ils y reçoivent un message mentionnant un jeu vidéo on-line, Black Hole, ainsi qu'une rencontre entre deux personnes. Curieux, ils vont décider de suivre ce couple et tomber sur … une jeune fille aussi belle que mystérieuse...
Gilles Marchand, auteur de "Harry un ami qui vous veut du bien" et déjà réalisateur de "Qui a tué Bambi ?" a proposé cette année à Cannes, en séance de minuit, un improbable mais captivant thriller basé sur une réalité virtuelle aussi simplifiée par rapport à la complexité des eux vidéo actuels, que magnifiée dans sa beauté hypnotique. Partant de la simple découverte d'un portable dans le vestiaire d'une lumineuse piscine de bord de mer, le cinéaste nous fait progressivement, comme son personnage, basculer vers un monde doutes, d'ombres et de mystère, celui d'adultes (ou celui des adultes) qui cherchent encore un moteur à leur existence.
Loin de vouloir constituer une quelconque critique des dangers de l'internet ou du jeu en ligne, « L'autre monde » tisse peu à peu une toile empoisonnée autour d'un jeune homme innocent et curieux, et de sa naïve petite amie. Grégoire Leprince Ringuet est ainsi le héros malgré lui d'une sombre histoire de suicide impliquant des dealers et une femme accroc à l'univers virtuel du jeu "Black Hole". Avec Pauline Etienne, ils constituent un couple de post-adolescents tout à fait probable, entraîné dans une spirale perverse mêlant goût du jeu et du risque. Gilles Marchand interroge du coup plus l'esprit aventureux ancré dans l'inconscient masculin, plutôt que la perversion, loin de venir ici du jeu lui-même, présenté au contraire comme un havre de paix, hors du temps et de la réalité (impression encore renforcée par une musique tantôt sombre, tantôt légère comme un carillon.
Les passages en images de synthèses sont d'ailleurs proprement hypnotiques, entre simplicité des silhouettes des avatars des joueurs et stylisation des décors (jusqu'à la fameuse plage noire évoquée au début du film, lieu de rendez-vous des suicidés, dont Louise Bourgouin, plutôt crédible en séduisante blonde aussi fascinante que vénéneuse). De cet « Autre monde » se dégage un étrange pouvoir d'attraction-répulsion, alimenté par l'ambivalence entre perversion libertine (le club le « Heaven ») et sensualité assumée, auquel un visionnement nocturne du film ne peut qu'ajouter. Reste que le twist final est amené avec juste un peu trop de précipitation, faisant presque oublier le tact de l'ensemble.
CONTRE: Niveau -1 – Le mauvais coté du miroir
Ce n’est pas tant le fait de vouloir traiter, entre autre, d’un sujet bien d’actualité (les jeux vidéo on-line) sans le comprendre et le maitriser, mais un manque cruel d’ambition, d’identité et d’écriture qui fait de cet « autre monde » un film complètement plat et bancal.
En partant d’une scène qui aurait pu donner suite à un thriller tout à fait correct (deux jeunes trouvent un portable qui ne leur appartient pas et décident de répondre), Gilles Marchand est capable d’accoucher d’un film qui va d’une part vous plonger dans un autre monde, celui de l’ennui, et surtout, de rajouter une arme de premier choix pour tous les détracteurs partant en croisade contre les jeux vidéo et leurs soi-disant dangers. Car les problèmes que rencontrent nos héros dans le film ne sont pas dûs au jeu, celui-ci ne sont qu’un moyen comme un autre de les amener, mais l’assimilation jeu/internet/danger est bien facile, en raison de la lourdeur de la mise en scène s'ingéniant à faire passer ce média pour une drogue, voire comme une arme.
Les scènes de la vie réelle bénéficient d’une réalisation digne d’un téléfilm, le dernier tiers nous emmenant vers un pseudo twist sans saveur, tellement il est prévisible et surtout amené avec un manque d’envie et d’originalité inquiétant (un champ/contre-champ entre les deux protagonistes par écran interposé, c’est tout ? c’est une blague ?). Les scènes du monde virtuel sont d’une laideur incroyable et complètement à côté de la plaque de ce que peut être un jeu vidéo on-line, qui reste apparemment traité sans connaître le sujet. Gilles Marchand n’a certainement pas beaucoup d’heures de jeu à son actif et ne sait véritablement pas de quoi il parle. C’est un comble, car comme un comédien effectuant des recherches sur son rôle, lui, aurait du en faire sur son sujet.
Un des seuls aspects positifs du film reste le quatuor de comédiens principaux. Ils trouvent tous bien leur rôle et, malgré le fait qu’ils souffrent d’une direction d’acteurs catastrophique, ils arrivent à créer des personnages réalistes et touchants, particulièrement Grégoire Leprince-Ringuet (vu le même jour à Cannes dans le très bon « La Princesse de Montpensier » de Bertrand tavernier) et la magnifique Louise Bourgoin, parfaite dans son rôle de fille mystérieuse.
Vous pouvez facilement passer votre chemin, car le seul monde vers lequel « L’autre monde » risque de vous emmener, c’est celui du silence.
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