© BAC Films
Marc Cros, un célèbre sculpteur, ne parvient plus à trouver l’inspiration. En pleine guerre, il vit reclus avec sa femme et leur servante, bien loin des tracas du front. Mais lorsque débarque la jeune Mercé, échappée d’un camp, l’artiste voit en elle une nouvelle muse. S’installe entre eux une relation particulière qui redonne au vieillard le goût de travailler, et de vivre…
Après le très réussi « Chico et Rita », Fernando Trueba revient derrière la caméra, une nouvelle fois avec une discipline artistique en toile de fond. Exit le jazz, place à la sculpture. Et le grand mélomane a même exclu toute musique dans ce long métrage, laissant pleinement retentir la voix des acteurs et les bruits de la nature. À l’écran, ce minimalisme et cette sobriété se retrouvent également dans la mise en scène épurée. Dans un magnifique noir et blanc, le cinéaste espagnol nous livre un film étonnamment lumineux, retraçant la rencontre entre un sculpteur vieillissant en quête d’inspiration, et une jeune fille égarée. S’intéressant à la relation particulière entre un artiste et sa nouvelle muse, le métrage est également une réflexion sur la vieillesse, sur la décrépitude des corps. La chair est partout, elle obnubile la pensée du sculpteur comme elle monopolise l’objectif.
De cette obsession, le réalisateur s’en éloigne, toutefois, quelques instants pour dessiner les contours du lien qui unit un artiste et son modèle, entre amour et désir. Simple et intime, le film prend alors son temps, n’ayant pas peur du silence, pour développer cette union entre un vieillard aigri dont la vie avait perdu tout son sens, et cette jeune espagnole pleine de joie et d’espoir. L’alchimie entre les deux acteurs est parfaite, Aida Folch se donnant corps et âme dans son personnage tandis que Jean Rochefort, comme à l’accoutumée, est impeccable. Si la seconde guerre mondiale se joue en toile de fond, elle ne surgit jamais frontalement à l’écran. Pour autant, elle est le catalyseur de cette histoire, faisant évoluer la relation entre les deux protagonistes principaux, et nous offrant des scènes détonantes comme cette arrivée sordide d’un soldat allemand.
Désirant tourner ce projet depuis des années, Fernando Trueba a eu tout le temps de peaufiner son scénario, ce qui se ressent indéniablement dans les répliques. Chaque mot est pesé et précis, donnant lieu à des échanges verbaux foisonnants d’une grande qualité, notamment lors de cette envolée lyrique sur une esquisse de Rembrandt ou lorsqu’il est question de raconter des passages de la Bible. Si quelques longueurs sont à regretter, « L’Artiste et son modèle » ne demeure pas moins un excellent moment et une variation intéressante du traitement des relations entre une muse et son maître. Sans outils superficiels ou lacrymaux, nous est contée une histoire fragile et sensible qui pose bien plus d’interrogations que pouvait laisser présager son postulat de départ. Envoûtante, cette plongée au cœur d’un atelier émeut autant par la précision apportée aux détails d’un travail laborieux que par la vulnérabilité des protagonistes. Un bel hommage à son frère, sculpteur, n'ayant pu finalement participer au projet - puisque décédé en 1996-, qui aura valu à Fernando Trueba le prix de la mise en scène au Festival de San Sebastian 2012.
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