© Ad Vitam
Son fils aîné vient de mourir mais Frédérick ne peut aller à l’enterrement… Au lieu de cela, il erre dans la forêt qu’il a fait lui-même pousser autour de sa maison. Frédérick est sylviculteur depuis près de 60 ans et il cultive également un secret. Il est rongé, tel un arbre dévoré par des termites. La mort de ce fils va le conduire à tout révéler à sa famille, même si certains ne sont pas prêts à entendre ce qui va leur être dit…
Changement de registre pour le couple le plus gai du cinéma français. Ducastel et Martineau (« Jeanne et la garçon formidable », « Crustacés et coquillages », "Drôle de Felix") se tournent vers un registre plus dramatique, plus mélancolique mais dont la justesse de ton n’a d’égale que la grandeur de jeu des comédiens. Salués par le Prix Jean Vigo, les réalisateurs de « L’arbre et la forêt » sont ainsi récompensés pour la portée sociale et humaine de leur film.
Avec en toile de fond la seconde guerre mondiale (n’en disons pas plus pour ne pas révéler l’objet du film), Ducastel et Martineau, également auteurs du scénario, écrivent une partition où l’on devine davantage que l’on ne montre. Car d’un secret de famille, il reste tout l’imaginaire autour du parcours et de la vie que Frédérick (magistral Guy Marchand) a vécu. Ce n’est pas un hasard si ce dernier est sylviculteur. Les arbres qu’il a planté tout au long de sa vie sont comme des renaissances ou des hommages réservés à chaque vie sacrifiée durant la guerre. Il ne transmet donc plus seulement à sa descendance un investissement pour l’avenir mais bel et bien un trésor plus beau et plus fort encore, quelque chose de plus intérieur venu de ses tripes et qui dépasse le simple legs matériel.
Si le film nous fait découvrir un destin hors du commun, il nous dresse aussi le portrait d’un clan, d’une famille. Marianne, la femme (in)fidèle (remarquable Françoise Fabian), Françoise, la belle-fille mystérieuse (magnifique Catherine Mouchet), Guillaume et Charles, les frères de sang (immense François Négret). Ainsi, on passe successivement de l’arbre à la forêt pour chacun des personnages, en apprenant petit à petit tout ce qui se cache derrière les apparences et ce qu’ils veulent bien nous dire d’eux, révélant la forêt qui se cachait derrière l’arbre.
L’émotion est souvent intense, spécialement grâce aux plans séquences qui font naître la vraie souffrance et la vraie violence des sentiments. Et entre silences et musiques retentissantes (car Wagner n’appartiendra pas à la Shoah), on se prend une claque toutes les dix minutes. Ducastel et Martineau viennent de prendre un sacré virage dans leur filmographie. Ils viennent un peu de faire comme François Ozon du temps de « Sous le sable », confirmant leur immense potentiel filmique. Gardons espoir qu’ils continueront sur cette voie et qu’ils écriront un nouveau film aussi fort, aussi mûr et aussi beau que « L’arbre et la forêt ».
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