© 20th Century Fox France
Kingsman, l’élite du renseignement britannique en costumes trois pièces, est à la recherche de sang neuf afin de remplacer une recrue tragiquement disparue au cours d’une mission risquée. Pour recruter leur nouvel agent secret, elle doit faire subir un entraînement de haut vol à de jeunes privilégiés aspirant au job rêvé. L’un d’eux semble être le candidat « imparfaitement idéal » : un jeune homme impertinent de la banlieue londonienne nommé Eggsy. Ces super-espions parviendront-ils à contrer la terrible menace que fait peser sur le monde l’esprit torturé du criminel Richmond Valentine, génie de la technologie ?
Depuis les uppercuts "Layer Cake" et "Kick-Ass", on sait à quel point Matthew Vaughn n’a pas son pareil – hormis peut-être Quentin Tarantino – pour cracher la purée en matière de coolitude exacerbée et d’ultra-violence salvatrice. Le retrouver aux commandes d’une énième histoire de petite frappe transformée en James Bond rajeuni pour sauver le monde était a priori le territoire idéal pour laisser parler son âme de sale gosse décomplexé. Bonne pioche : "Kingsman" se révèle un actionner sauce à la menthe dix fois mieux garni que la moyenne, prompt à faire la nique à tout ce qu’Hollywood peut pondre de blockbusters consensuels et marvellisés. Et c’est une fois de plus au cœur d’un comic-book signé Mark Millar et Dave Gibbons (les auteurs de "Kick-Ass") que le bonhomme trouve matière à concevoir un nouveau et jubilatoire distributeur de barres de fun.
À l’instar de quelques films oubliables, du genre "Alex Rider" ou "Cody Banks", rien de bien neuf à relever dans le scénario sur le postulat basique du gamin transformé en agent secret : découverte du quotidien, rencontre avec le mentor, entraînement difficile, premiers pas hésitants, apprivoisement des gadgets, passage de relais, mission à accomplir, réussite finale. Que du réchauffé ? Pas sûr. Parce que la patte Vaughn pose son empreinte là où elle le peut. Tout d’abord dans un cadre britannique dont la production design et les choix photographiques s’écartent à loisir du pur réalisme, au profit d’un décorum décalé, en accord visuel parfait avec la tonalité d’un comic-book décomplexé pour adultes. Sans parler d’un post-modernisme des plus bienvenus, centré sur l’immixtion d’une figure extraite des fantasmes de geek (le super-héros dans "Kick-Ass", l’agent secret dans "Kingsman") au sein des codes du monde réel, le tout avec un sens du décalage graphique et du dialogue punchy qui ne cesse jamais de faire mouche.
Et comme à son habitude, sur le contenu, Vaughn reste fidèle à plus d’un titre à sa subversion natale : ici, les gentils sont un groupe d’agents secrets dissimulant de redoutables facultés de bagarreurs sadiques sous leur enveloppe de gentlemen transpirant la classe british, et le méchant se résume à une sorte de Steve Jobs à casquette de rappeur (Samuel L. Jackson, cool à gogo), désireux de rejouer le mythe de l’arche de Noé en orchestrant un génocide sélectif à échelle mondiale par l’intermédiaire de sa technologie, aidé en cela par une tueuse à jambes d’acier amatrice de breakdance. En résumé, la violence la plus démesurée se voit ici utilisée contre un modèle d’écolo hypocrite qui accompagne son vin hors de prix par de « délicieux » Big Mac achetés au McDonalds du coin, en plus de vomir à la simple vue du sang. On entend d’ici l’ire de quelques esprits bien-pensants avec le cerveau en option, qui ne s’empêcheront pas de crier au délire fascistoïde, flattant l’idéologie abjecte et les bas instincts au détriment du bon sens moral. Laissons-les s’agiter…
Car "Kingsman", au travers de son absence de sérieux et de complexe, ne vise qu’une seule chose : le fun à tout prix. Enchaînant les situations les plus extrêmes avec un rythme de métronome dopé à la taurine, usant et abusant d’astuces de montage dans la droite lignée d’un découpage de bande dessinée, assumant jusqu’au bout le côté totalement outrancier de ses personnages, flattant les geeks au détour d’un clin d’œil (dont un adressé à "Princess Bride") ou d’un second rôle (les fans de "Star Wars" vont avoir une belle surprise), et n’hésitant jamais à lâcher l’avalanche de cruauté dans la moindre de ses scènes d’action, Matthew Vaughn démontre une fois de plus toute sa virtuosité de conteur, toujours sans gène dès qu’il s’agit de faire monter la sauce pour mieux susciter la jouissance lors d’une explosion de violence. Et puis, voir un Colin Firth de cinquante-quatre printemps au sein d’une église en train de charcuter une centaine d’illuminés fanatiques dans de grandes envolées martiales et gores avec la rapidité d’un Jet Li, ça vaut son pesant de peanuts !
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais