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JE SUIS HEUREUX QUE MA MERE SOIT VIVANTE


un film de Claude Miller et Nathan Miller

avec : Vincent Rottiers, Sophie Cattani, Christine Citti, Sabrina Ouazani...

Thomas et François ont été abandonnés par leur mère quand ils étaient petits puis adoptés. Thomas, l'aîné, avait 4 ans au moment de l'abandon et en a gardé un traumatisme, des questions, des images floues... Il devient de plus en plus violent et provoquant envers ses parents adoptifs et il se met en tête de retrouver secrètement sa mère biologique...


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Un bouleversant Œdipe contemporain

Voilà un énième film qu’il semble difficile de critiquer sans dévoiler l’intrigue. Mais finalement, est-ce tant un crime dans ce cas précis de révéler que la fin est tragique ? Peut-on voir le suspense comme un mobile du film ? N’est-on pas plutôt en face d’un film sociologico-psychologique ? Peut-on d’ailleurs parler de suspense ?

Certes, il y a plusieurs dénouements possibles (et je ne révèlerai donc pas la nature du drame), mais l’ambiance créée, le jeu des acteurs et, surtout, le choix souvent explicite mais subtil des plans participent à donner la tension au récit et à laisser présager une fin dérangeante. Autre raison de ne pas considérer le suspense comme un élément majeur du film : le scénario, qui se base sur une histoire vraie située dans les années 90 (et plus précisément sur un article d’Emmanuel Carrère consacré à ce fait divers), véritable drame, dont il y aura peut-être des spectateurs qui se souviendront.

Que les choses soient claires : les Miller père et fils ne font pas dans le spectacle-blockbuster qui exploite les faits divers dans le but de divertir (ce qui pourrait être le cas de leurs homonymes anglophones - les deux George Miller). Ce qu’ils interrogent ici, c’est le fond de leurs personnages, et en particulier de Thomas, enfant puis jeune homme torturé, rongé par son passé qu’il ne comprend pas. Avec lui, la caméra et le spectateur s’embarquent dans une quête quasi-œdipienne (pourquoi sa mère l’a abandonné ?) dont on comprend rapidement qu’elle accumule les points de non-retour.

La caméra effleure les visages et les corps avec une douleur palpable, les dialogues ne s’embarrassent généralement pas de superflu et on sent dans le jeu comme un côté dardennien. Certes, la forme n’est pas nouvelle, mais elle est efficace et la fin bouleversante. On en vient d’ailleurs à s’interroger sur ce qui fait un drame, à se rendre compte qu’il y a peut-être bien un humain qui souffre (ou a trop souffert) derrière toutes les dérives de comportement, à n’importe quel niveau, que ce soit un meurtre, un viol ou même, qui sait, un crime contre l’humanité. Ce constat non plus n’est pas nouveau, mais il revêt une force particulière dans la conclusion de ce film.

Malgré l’efficacité globale, on ne peut toutefois pas s’empêcher de regretter certains choix, comme les contestables flash-backs (l’atmosphère est certes pesante mais elle ne sert pas toujours la narration et la casse même parfois), comme le début aussi, qui peut faire soupirer (« eh allez, voilà encore un film français de facture ultra-classique qui mériterait juste une modeste diffusion télé »). Heureusement le style s’affine par la suite et le peu convaincant Yves Verhoeven disparaît du récit.

On peut aussi regretter la sous-utilisation de Sabrina Ouazani, qui nous gratifie d’une très brève mais touchante participation (mais la brièveté de son rôle ne renforce-t-elle pas la puissance de son personnage ?). Enfin, on ne peut s’empêcher de se demander ce que Jacques Audiard aurait tiré de ce scénario puisque c’est d’abord lui qui voulait faire ce film, qu’il y pensait depuis une bonne dizaine d’années et que le producteur Jean-Louis Livi en a eu marre d’attendre !


2ème avis: Dîtes lui que je l’aime


Inspirés par des faits réels, Claude Miller et son fils Nathan ont posé leur caméra sur la souffrance silencieuse d’un petit garçon. Thomas n’a que 4 ans quand, placé dans un foyer d’accueil suite aux négligences de sa mère, il lui dit au revoir sans se douter qu’il s’agit d’un adieu. Une nouvelle famille, un nouveau prénom ne suffisent pas à effacer ses souvenirs. L’enfant devient triste, amer et fait le désespoir de son père adoptif qui sombrera dans la dépression. Une fois adulte, Thomas cache derrière une vie posée le besoin de retrouver celle qui l’a abandonnée. Il la retrouve élevant seule un nouvel enfant. Toujours aussi peu aimante, elle l’accepte chez elle, intéressée par le fait qu’il puisse s’occuper de son petit garçon. L’histoire se reproduit et Thomas continuera d’espérer jusqu’au jour où tout bascule.

Père et fils mettent en scène une dramaturgie posée qui, à l’image de son personnage principal, distille une émotion contenue. Une violence latente qui prend source dans une obstination discrète. Tant de retenue provoque irrémédiablement la haine quand l’amour se révèle définitivement absent. Un sujet complexe que les auteurs relatent avec pudeur. Ici pas de grands déchirements, ni d’éclats de voix, juste un œil qui brille, une larme qui coule.

Pilier du film, Vincent Rottiers (qu'on verra bientôt dans « A l'origine ») explose dans ce rôle taillé sur mesure. Son physique d’adolescent blessé souligné par son regard bleu acier incarnent à la perfection la fêlure du personnage de Thomas. Il est vrai qu’on a du mal à imaginer cet acteur dans une comédie légère. Néanmoins, son faciès ténébreux n’est que la façade d’un talent plus que prometteur. Constamment sur le fil du rasoir, il interprète ce rôle difficile avec une troublante sincérité. Chronique d’un drame sous-jacent “Je suis heureux que ma mère soit vivante” touche plus qu’il ne bouleverse, tel un exercice de style parfaitement maîtrisé.

Gaëlle Bouché

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