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Durant la seconde guerre mondiale, les autorités britanniques vont constituer une équipe de scientifiques, de mathématiciens, et de cryptologues pour percer le secret de la machine Enigma avec laquelle les Allemands codent leurs messages. Mais même pour cette bande d’experts, la tâche va s'avérer être quasi mission impossible…
Alan Turing fait partie de la longue liste des personnes dont les exploits étaient grandement méconnus avant que le cinéma ne décide de s’en emparer. En l’espèce, ce sont deux producteurs britanniques qui ont eu l’idée de transposer à l’écran la vie de ce génie des mathématiques, suite à un discours de Gordon Brown dans lequel il présentait des excuses à ce dernier. Après enquête, ils découvrent l’histoire hors-du-commun de cet intellectuel durant la seconde guerre mondiale, héros de l’ombre traité comme un pestiféré par une société qui n’acceptait pas encore les différences. Une fois les droits d’une biographie acquis, un réalisateur trouvé, l’équipe jette son dévolu sur Leonardo DiCaprio avant que celui-ci refuse, laissant la place à l’un des acteurs en vogue du moment, Benedict Cumberbatch. Et c’est ainsi que ce drame social, sur fond de chasse aux secrets et ambiguïtés sexuelles, est entré dans la liste les favoris pour la course aux Oscars.
Car tout le film semble être calibré pour plaire à l’Académie, de ses thèmes à son traitement conventionnel, en passant par la prestation maniérée d’un Cumberbatch au sommet de son art. Mutique et arrogant, à la limite de l’autisme, un homme est désigné pour diriger une équipe des plus éminents cryptologues de l’Empire britannique afin de briser le codage des messages allemands. Le postulat idéal pour les grands drames récompensés chaque année, avec cette dose de bravoure humaine et le ratio implacable entre petite et grande Histoire. Mais alors que ce classicisme aurait pu couler le métrage, il est, au contraire, mis au service d’une intrigue rudement menée et de personnages intelligemment esquissés. Explosif et hypnotique, le comédien britannique marque la pellicule de son aura, de la pureté d’un jeu où beaucoup se seraient complus dans une outrance malvenue. Parvenant à susciter de l’empathie pour un personnage d’apparence détestable, « Imitation Game » trouve le ton juste pour mêler la stratégie de guerre et les relations humaines sans sombrer dans le mélodrame baveux.
Marqué par une scène d’une intensité électrique – celle de l’interrogatoire – et par des seconds rôles impliqués et talentueux, le scénario bénéficie d’une extrême finesse et d’un souci chirurgical du détail pour éviter toutes les lourdeurs imaginables. Préférant une certaine poésie aux effets trop visibles, le réalisateur Morten Tyldum parvient parfaitement à s’approprier le matériau originel pour dessiner un film bien plus complexe qu’il n’y paraît, où la morale n’est pas là où on l’attend. Disposant d’un incroyable personnage de cinéma avec Turing, aussi doué avec les chiffres qu’il est mal à l’aise en société, incapable de converser avec ses congénères, le cinéaste a su conter son destin sans déifier son protagoniste. Surtout, il a choisi un point de vue intéressant en nous plaçant du côté de l’enquêteur, le spectateur découvrant cette vie sacrifiée sur l’autel des bonnes mœurs et du secret d’État au fur et à mesure de l’avancée des investigations d’un policier.
Offrant un beau portrait d'Alan Turning sans être une déclaration d’amour contemplative, « Imitation Game » a rendu hommage de la plus belle des manières à ce précurseur de l’informatique, pourchassé pour son homosexualité à une époque où elle était considérée comme incompatible avec les valeurs morales. En se focalisant sur le travail de l’homme plus que sur le symbole qu’il est devenu, le cinéaste renforce considérablement l’impact émotionnel et la puissance de son discours. Car on ne ressort de la salle que plus révolté de savoir qu’un tel génie ait été gâché aux noms d’idéaux complètement stupides. Et plus le choix, on va tous devoir s’entraîner à prononcer correctement Benedict Cumberbatch…
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