affiche film

© Wild Bunch Distribution

ILS SONT PARTOUT


un film de Yvan Attal

avec : Yvan Attal, Valérie Bonneton, Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Dany Boon, Marthe Villalonga, Grégory Gadebois, Denis Podalydès, Gilles Lellouche, François Damiens, Freya Mavor, Popeck…

Yvan n’en finit pas de rendre visite à son psy. La raison ? Il se sent persécuté par un antisémitisme grandissant, qu’il dit repérer dans les déclarations de ceux qui viennent l’aborder, et il en a assez d’être jugé paranoïaque par son entourage…


1
Photo film

Un infernal bordel pseudo-satirique

Ce film-là, on avait toutes les raisons de vouloir le défendre. À une époque où l’intolérance, la bêtise et le fanatisme religieux n’en finissent décidément pas de gangréner l’équilibre sociétal, la démarche d’Yvan Attal apparaissait même des plus salutaires. Objectif avoué : s’attaquer à l’antisémitisme par le démontage satirique des pires clichés qui le sous-tendent, histoire d’apaiser les tensions. L’idée n’est pas neuve, en soi, surtout après que les multiples rediffusions télévisées des "Aventures de Rabbi Jacob" nous aient prouvé à quel point l’humour était le missile le mieux profilé pour atomiser le racisme. Sauf que le film de Gérard Oury était vraiment très drôle. Et que celui d’Yvan Attal ne l’est vraiment pas du tout.

On peut déjà justifier l’échec du film en jugeant son principal parti pris narratif, à savoir celui du film à sketchs. Le fait de prendre tous les clichés antisémites (« Les juifs ont de l’argent », « Les juifs sont partout », « Les juifs s’entraident », « Les juifs ont tué Jésus », etc.) et de réserver une mini-histoire à chacun n’était clairement pas l’idée du siècle : cela contribue davantage à segmenter ces clichés plutôt qu’à les mettre tous dans le même bain de bêtise. Attal tente bien d’installer un fil rouge narratif en se filmant en train de réciter la note d’intention du film à un psy qui semble un peu largué, mais ses réflexions personnelles – dont chacune sert ici de rampe de lancement à un sketch – tournent en boucle comme un disque rayé qui ne suscite pas l’ombre d’une émotion précise et qui ne réussit jamais à interpeller. C’est à peine si sa démonstration ne frise pas le didactisme premier degré, et ce ne serait d’ailleurs pas étonnant : en effet, l’acteur-réalisateur n’a jamais réussi à assumer la noirceur ou la loufoquerie dans ses trois précédentes réalisations – toujours des comédies. En somme, on attendait un gros délire, on récolte davantage un exposé « sérieux », pour ne pas dire crispé.

Dans chacun de ses sketchs, Attal semble pourtant y aller franco dans le démontage loufoque des clichés antisémites – la bande-annonce en donnait le pouls. Or, outre le fait que l’humour est aux abonnés absents, il y a plus grave encore : se moquer des clichés n’implique pas forcément que l’on soit capable de les dynamiter correctement. Chaque segment s’apparente ici moins à des clichés retournés qu’à des histoires de vendetta personnelle, qui font mine de viser un problème pour au final tirer à côté et susciter l’embrouille. Si les segments sur l’antisémitisme de l’extrême-droite française et la supposée richesse des juifs se contentent ici d’enfoncer des portes ouvertes (qui plus est avec des acteurs jamais dirigés – pauvre Charlotte Gainsbourg !), ce croisement grotesque entre "Terminator" et "La Vie de Brian", où un agent du Mossad remonte le temps pour éliminer le petit Jésus (soi-disant le responsable de tous les maux des Juifs), vire au « portnawak » total en dérivant vers une love-story avec la Vierge Marie (Freya Mavor !) qui fait cheveu sur la soupe. Quant à ce discours conflictuel entre deux lecteurs du Talmud, il est si pénible qu’il nous laisse avec un horrible mal de tête.

Au final, "Ils sont partout" joue la carte risquée de l’anthologie bordélique pour finalement brûler toutes ses cartes en cours de route et n’aboutir nulle part. Quoique non, pas forcément nulle part : en guise de scène finale de cet infernal bordel pseudo-satirique, Yvan Attal prend soin de pousser son « exposé » (car c’est bien de cela qu’il s’agit) vers sa conclusion en invitant le spectateur à juger l’humain en tant que tel, au-dessus de tout caractère discriminatoire – religieux ou autre. Vu que l’on sort du film en ayant l’impression d’avoir accumulé tant d’idées bordéliques et/ou détournées sans être capable de les raccorder et/ou de les dépasser, doit-on en déduire que l’objectif du film était de dynamiter la religion au sens large, décrite au final comme un gros casse-tête sans intérêt ? Et ainsi de montrer à quel point l’athéisme est tellement plus zen et apaisant ? On a un gros doute, quand même…

Donnez votre avis (0)

Partager cet article sur Facebook Twitter