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© ARP Sélection

HOW TO TALK TO GIRLS AT PARTIES


un film de John Cameron Mitchell

avec : Elle Fanning, Alex Sharp, Ruth Wilson, Nicole Kidman, Matt Lucas...

Trois adolescents fans de punk sont à la recherche d’une after. Par hasard, ils tombent sur une mystérieuse demeure remplie de jeunes femmes. Mais la soirée va prendre une toute autre tournure que celle imaginée…


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Photo film

POUR : Niveau +3 : …

À l’origine, il y a une nouvelle de la figure geek, Neil Gaiman, auteur entre autres de "Sandman" et "American Gods". John Cameron Mitchell, réalisateur des peu conventionnels "Hedwig and the Angry inch" et "Shortbus" s’était tristement assagi avec le drame gorgé de classicisme qu’était "Rabbit Hole", avec déjà Nicole Kidman. Pour autant, la rencontre entre les deux artistes semblait toujours possible, voire probable, ceux-ci partageant un amour inconditionnel pour la culture punk. Le cinéaste retrouve ainsi la folie de ses débuts pour mettre en scène une œuvre au pitch totalement improbable : trois adolescents en recherche d’une after débarquent dans une demeure bourrée d’aliens sexy en tenue de latex.

L’action se déroule en 1977, au moment précis des célébrations entourant le jubilé de la Reine Elizabeth II. Le rock est à son apogée, mais le rêve anarchiste n’est déjà plus. Les groupes phares comme les Clash et les Sex Pistols, ceux-là même qui avaient moqué sa Majesté avec leur version de God save the Queen, signent dans de gros labels, les chimères du mouvement semblant se confronter à une dure réalité où le conformisme absorbe toutes les tendances marginalistes. Une jeunesse révoltée continue à s’opposer à la monarchie à coups de pintes et de pogos nocturnes.

Les trois protagonistes appartiennent à cette bande contestataire mais leurs principaux soucis sont de connaître enfin les plaisirs de la chaire. Sauf que dès qu’ils pénètrent dans cette soirée à la musique transcendante et aux filles originalement vêtues, leurs fantasmes sexuels sont balayés au profit d’une intrigue grandement métaphorique autour de la nécessité de se rebeller. Car l’amour naissant entre Enn et la belle Zan, extra-terrestre dont sa découverte du punk va la pousser à s’opposer à l’organisation établie de sa communauté, est avant tout l’occasion de célébrer les valeurs d’insurrection et d’indiscipline dans un monde formaté.

Bourré de private jokes rock, le film développe son univers kitsch et barré grâce à un récit délirant qui marie à merveille le trip mystique et la chronique adolescente. Si l’humour a tendance à s’effacer dans le cœur du métrage, c’est pour mieux décontenancer le spectateur, le scénario d’une liberté folle parvenant à mixer toutes les strates supposées insolubles d’une œuvre déjantée. Teen-movie totalement inclassable, "How to Talk to Girls at Parties" est à la fois une déclaration d’amour à son actrice principale, Elle Fanning, et une ode transgressive à la désinvolture et l’impertinence. Enthousiasmant, à l’énergie communicative, et aux séquences musicales exaltantes, cet objet filmique non identifié célèbre l’esprit punk en façonnant une fable délurée à son image. Ce joyeux bordel sent bon le tabac froid et les effluves d’houblon. Et c’est précisément ce qu’on attendait !


CONTRE : Niveau -1 - John Cameron Mitchell livre un trip punk excessif


John Cameron Mitchell avait gagné le grand prix à Deauville en 2011 avec son personnage d'Hedwig, transsexuelle rockeuse et provocatrice ("Hedwig and the Angry inch"), avant de venir secouer la Croisette quelques années plus tard en séance de minuit avec "Shortbus", balade hallucinée au creux des désirs et fantasmes sexuels. On espérait du coup que son nouveau film, ayant pour têtes d'affiche Elle Fanning et Nicole Kidman, allait aussi faire souffler un vent de folie sur Cannes, mais il n’en fut malheureusement rien, l’intrigant début (des ados cherchant une afters après un concert et tombant sur une mystérieuse maison peuplée d’étranges créatures féminines…) laissant rapidement place à un profond ennui.

Il faut dire que les délires scénaristiques qui vont suivre resteront abscons jusqu'à la fin, les délires sur les orifices et autres fornications ayant vite leurs limites en terme de second degré. Le rythme effréné et les nombreux effets de mise en scène (accélérés saccadés, ralentis soudains...), sensés convoquer l'esprit punk de la fin des années 70, ne font que parer le projet d'un voile de pseudo modernité qui cache mal la vacuité de l’ensemble. Histoire obscure de colonies extra-terrestre ancestrales, dont les règles sont bien incompréhensibles, le scénario finit par exaspérer par son trop plein.

Certains pourront trouver un intérêt dans l'originalité des costumes (le latex est ici à l’honneur...), ou dans la composition d’une Nicole Kidman déchaînée, mais il faut bien avouer que ce délire mal maîtrisé, mettant souvent le mauvais goût en vitrine, obtient rarement l'effet comique escompté. Une des grosses déceptions du dernier Festival de Cannes, qui s’avère pour le spectateur une « expérience unique » (comme celles revendiquées par le personnage d’Elle Fanning) plutôt désagréable.

Olivier Bachelard

23-03-2018

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