affiche film

© Pathé Distribution

HOMME SANS AGE (L’)

(Youth without youth)


un film de Francis Ford Coppola

avec : Tim Roth, Alexandra Maria Lara, Bruno Ganz


Quel sujet de recherche nous Ă©clairerait le plus sur l’humanitĂ© ? Pour Dominic Matei, professeur d’universitĂ© et linguiste roumain, il s’agit de comprendre l’émergence de la conscience par la dĂ©couverte du protolangage. Mais Ă  77 ans, il se dĂ©sole de n’avoir pas achevĂ© l’Ɠuvre de sa vie, jusqu’au jour oĂč, aprĂšs avoir Ă©tĂ© frappĂ© par la foudre, il rajeunit de façon fulgurante. Ce miracle suscite l’intĂ©rĂȘt des nazis, puis des AmĂ©ricains – plongĂ©s en pleine guerre froide – et va contraindre Dominic Ă  fuir, Ă  se rĂ©fugier derriĂšre des identitĂ©s usurpĂ©es, afin de poursuivre son unique but. Mais le plus formidable est le dĂ©cuplement de ses facultĂ©s intellectuelles. Il va s’appuyer sur le souvenir d’une femme perdue, la complicitĂ© d’une maĂźtresse et le possible sacrifice de celle qu’il a retrouvĂ©e pour tenter de rĂ©aliser son rĂȘve : dĂ©crypter les origines du langage



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Photo film

MĂ©lange des genres

L’intĂ©rĂȘt de « L’homme sans Ăąge » rĂ©side clairement dans la mise en place de diffĂ©rentes atmosphĂšres (de l’angoisse nazie, Ă  l’expĂ©dition scientifique en Inde en passant par le romantisme maltais) qui se succĂšdent dans le tourbillon des rĂ©actions et des lubies de Dominic. Mais tout au long du rĂ©cit, Coppola maintient, et c’est lĂ  la force de son film, une cohĂ©rence, une unitĂ© impeccable entre les scĂšnes, les ambiances. L’habiletĂ© de la narration est frappante : la trame se rĂ©vĂšle extraordinairement dense, suivant la vivacitĂ© d’esprit de Dominic, dont les rĂ©flexions oscillent entre sa conscience et ses ambitions de chercheur. LĂ  oĂč Coppola imprime Ă  son « Youth without Youth » (titre original) une cohĂ©sion si remarquable, c’est dans la magnifique unicitĂ© qui joint l’ensemble de ses sĂ©quences : un ensemble visuel qui s’inscrit dans une recherche de jeu sur l’image et une volontĂ© jusqu’au-boutiste de retranscrire le fourmillement des pensĂ©es qui submergent le professeur Matei qu’une seconde jeunesse ne suffit pas Ă  rassasier de connaissances.

La quĂȘte d’un homme acharnĂ© :

La performance, ou plutĂŽt les performances de Tim Roth sont Ă  consacrer (nous ne parlons pas dĂ©jĂ  d’Oscars, mais peut-ĂȘtre serait-il en droit d’y penser) tant il Ă©pouse Ă  merveille le postulat artistique du film : son jeu est multiple et Ă  tout instant changeant, et il parvient Ă  nous impressionner (au sens photographique) de cette sensation de voyage dans le temps et dans diverses ambiances. AprĂšs son Ă©lectrocution qui l’a transformĂ©, il lutte contre un double de lui-mĂȘme Ă  la logique extrĂ©miste voire destructrice et se nourrit de l’humanitĂ© de ceux qui vont l’accompagner dans sa fuite : d’abord son mĂ©decin roumain (le trĂšs sympathique Bruno Ganz), puis la « femme de la chambre 6 » que Coppola rend par sa façon de filmer mystĂ©rieuse et Ă©tonnamment fascinante, et enfin Veronica (la trĂšs belle Alexandra Maria Lara, vue rĂ©cemment dans Control). FrappĂ©e d’un mal inconnu qui lui permet de traverser Ă  rebours l’évolution du langage lors de transes incontrĂŽlĂ©es, elle incarne pour Dominic l’aboutissement de ses recherches. C’est lĂ  qu’intervient son sens Ă©thique : une question primordiale du film est de savoir si la science justifie le sacrifice d’ñmes humaines
 Cet homme convaincu va se remettre en cause et la confusion mentale - toujours sensiblement imprimĂ©e sur la pellicule - va s’immiscer dans le film et prendre la place de la recherche fiĂ©vreuse des dĂ©buts.

La mĂ©taphore filĂ©e des roses (qui ornent d’ailleurs l’affiche du film) m’a semblĂ©e un peu superflue voire pesante, notamment dans la sĂ©quence finale. Mais on pardonnera volontiers ce lĂ©ger Ă©cart pour retenir de « L’homme sans Ăąge » un plaisant moment de poĂ©sie. Au delĂ  de son travail de rĂ©flexion sur les liens entre amour et savoir, sur l’empire que nous pouvons avoir ou non sur les Ă©vĂšnements, on retiendra du dernier film de Francis Ford Coppola sa beautĂ© onirique, parfois Ă  la limite du fantastique. Il ne faut pas craindre d’ĂȘtre dĂ©stabilisĂ© par cette Ɠuvre d’une originalitĂ© de mise en scĂšne un peu folle et dont le propos, au premier abord trĂšs sĂ©rieux, est parsemĂ© de notes d’un humour que l’on apprĂ©ciera assez vite pour adhĂ©rer totalement Ă  l’univers de Dominic Matei et en arriver Ă  s’identifier dangereusement Ă  lui, dans les mĂ©andres de ses hĂ©sitations salvatrices.

Auxence MOULIN
Guillaume BERNARD
Camille ROLLAND
Margot JANIN

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