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HIMIZU


un film de Sono Sion

avec : Shôta Sometani, Fumi Nikaidô, Tetsu Watanabe...

Après le passage du tsunami, il ne reste que des ruines de la ville dans laquelle vivait le jeune Sumida. Autour de lui survivent quelques personnes, sous des tentes, comme sa famille, avec les membres de laquelle les tensions sont de plus en plus fortes. Avec certains d'entre eux, il va tenter de retaper une cabane, pour en faire un lieu de convivialité...


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Photo film

POUR: Niveau +2 - Sono Sion prend son public à contre-pied avec un message d'espoir post-Fukushima

Il était évident qu’avec un thème porté sur la crise adolescente, la place de la jeunesse dans la société japonaise avec l’évocation de viol, pédophilie et de meurtres, le manga très glauque mâtiné d’humour noir « Himizu » intéresserait Sono Sion pour l’adapter sur grand écran. Quiconque connaît l’œuvre nihiliste de cet enfant terrible du cinéma japonais pouvait s’attendre à un film dérangeant dans la lignée directe de son « Cold fish » ou de « Hair Extension », voire outrancier à l’instar de son « Guilty of romance ».

C’était sans compter sur les événements de Fukushima surgissant il y a à peine un an et plongeant le Sud-Est du Japon dans le chaos le plus total. C’est sur les images dévastées de la région touchée par le Tsunami et le tremblement de terre, témoignant de l’état moral des Japonais, que le réalisateur débute « Himizu ». Personne ne peut rester de marbre à la vue de ces travelings parcourant les rues de ces villes anéanties où quelques quidams sont encore à la recherche de leurs familles. Plus de doute possible après cette ouverture, l’adaptation d’« Himizu » est directement ancrée dans le post-apocalyptique d’un Japon qui se relève à peine de la catastrophe. Cet événement va radicalement changer le ton de l’œuvre originale prenant à contre-pied la noirceur du manga.

Même s’il est toujours question de Sumida et de ses problèmes affectifs, de ses relations avec ses parents et de sa quête de lui-même, Sono Sion va profiter du désarroi du protagoniste pour en faire la personnification de toute une population touchée, rescapée mais largement diminuée par la tragédie. Dans ce Japon post-11 mars 2011, la question est de savoir de quoi le futur sera fait. Sumida vit dans une humble maisonnette au bord d’un lac placide et s’occupe de l’affaire familiale depuis que ses parents l’on abandonné. Comme souvent dans les films de Sono Sion et même dans les films japonais en général, la situation familiale est désastreuse. Son père rêve de le voir mourir pour récupérer l’argent de l’assurance, et la mère alcoolique se prostitue avec des mafieux qui ne manquent pas de maltraiter le jeune Sumida. Renfermé, renfrogné, il sèche l’école car il ne croit pas au discours des profs qui veulent lui faire avaler que l’épanouissement de la jeunesse est possible dans un effort collectif. Lui veut simplement mener une vie normale et tranquille. Mais c’est sans compter sur sa camarade de classe, Shazawa, complètement folle de lui et qu’il n’a de cesse que de repousser à chacune de ses visites après les cours. Cette petite rêveuse, idéaliste, incarne le propos de Sono Sion, certes de manière un peu naïve, en tentant de lui insuffler l’espoir de (se) reconstruire. Là où le manga présentait une fin sans échappatoire, Sono Sion la transforme en une longue fuite vers l’espoir d’un futur meilleur pour sa nation toute entière.

Le message est certes souvent martelé et le coté répétitif de certains dialogues pourra se faire ressentir, mais il résulte tant de sincérité de ce long-métrage qu’il est finalement assez aisé de passer outre les quelques mièvreries de la culture japonaise lorsqu’il s’agit de parler à la jeunesse. Les deux jeunes acteurs, Shota Sometani et Fumi Nikaidou, prennent de la stature à mesure que le film progresse et que Shazawa tente de raisonner Sumida. Au-delà du propos quelque peu inhabituel de la part du réalisateur, on retrouve sa patte si particulière et outrancière là où la structure parait inexistante. Il parvient sans mal à nous mettre mal à l’aise lors des séquences de confrontations déséquilibrées entre Sumida et le mafieux et/ou son père.

Nuls doutes que sans Fukushima, « Himizu » aurait été plus noir, plus violent et nihiliste, et, peut-être meilleur ? Mais la béatitude presque hystérique de Shazawa n’enlève en rien au plaisir de vision d’un film post-apocalyptique ouvertement optimiste.


CONTRE: Niveau -1 - Un laborieux encouragement à se relever


Le film japonais « Himizu », mis en scène par Sono Sion (« Cold fish », thriller sanglant et barré, découvert à Venise en 2010, et « Guilty of romance », présent à Un certain regard à Cannes 2011) aura fait partie des nombreux films divisant spectateurs et critiques du Festival de Venise 2011. Pour ce film, l'auteur avait initialement choisi d'adapter un manga, finissant par l'inscrire dans les suites du tremblement de terre du 11 mars 2011 au Japon et du tsunami qui s'en suivit. Il ouvre ainsi son film sur d’impressionnantes images de ville dévastée et nous fera entendre à plusieurs reprises les sons d'une tempête destructrice qui résonne encore dans les têtes des survivants.

Après cette brève introduction, son film commence, centré sur Sumida. Quand cet adolescent n'est pas à l'école, il tente d'échapper à l'influence de son père (qui lui reproche d'être encore vivant), en se réfugiant dans une cabane encore debout, que d'autres l'aident à retaper, espérant en faire un bar, un lieu d'une vie retrouvée. « Himizu » (qui signifie taupe) est un étrange film, qui, du fait de son caractère extrêmement répétitif, paraît d'autant plus long (il dure près de 2h20). En effet, le héros, un garçon renfermé qui ne sourit jamais et ne croit pas vraiment en lui-même, est suivi en permanence par une jeune fille hystérique, personnage insupportable de naïveté et d'enthousiasme béa, qui finit par donner une seule envie : se boucher les oreilles.

Le message sous-tendant cette œuvre est plutôt limpide et sincère. Tel un leitmotiv, il est exprimé par le professeur dès la première scène de classe : les Japonais sont capables de se relever, ils l'ont toujours fait. Celui-ci encourage ainsi ses élèves à « avoir un rêve », à rester ou devenir entreprenants, tout en affirmant que « l'ordinaire est le mieux », et qu'en conséquence chacun a sa chance et doit y croire. Ainsi, le héros a logiquement une capacité à encaisser les coups à l'infini, mais malin, va trouver un étrange moyen de faire le « bien ». Dans une bouillie visuelle dont on peut renoncer à chercher la structure, l'auteur confronte donc son couple de personnages à quelques personnages secondaires malgré tout intéressants, comme le mafieux qui ne veut pas d'argent sale, tout en rabâchant son propos jusqu’à l’écœurement. Une très grosse déception pour un film qui bascule pourtant dans une violence d'habitude jubilatoire chez Sono Sion.

Olivier Bachelard

10-03-2012

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