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Alors que les Etats Unis viennent d’envahir l’Irak, le soldat Miller est chargé, avec son unité, de retrouver les armes de destruction massive justifiant l’invasion du pays. Ne trouvant ni armes, ni réponses, il entre en contact avec le représentant local de la CIA opposé aux bureaucrates voulant instaurer un pion à la tête du pays...
Il n’y a pas très longtemps, William Friedkin confiait à nos confrères de Mad Movies que Paul Greengrass était, d’après lui, le meilleur réalisateur de film d’action du moment (avec aussi le français Pierre « Taken » Morel). Si l’auteur de ces lignes est entièrement d’accord avec le réalisateur de « L’Exorciste » et de « French Connection », il faut aussi ajouter qu’en plus de maîtriser l’action sur le plan visuel, Paul Greengrass n’en oublie pas de proposer un contenu donnant à réfléchir et à réagir. Bien qu’il ait changé la donne du film d’action actuel avec « La mort dans la peau » et « La vengeance dans la peau », l’homme ne s’en tient pas à ses acquis et creuse toujours plus pour étaler au grand jours des sujets brulants (L’IRA avec « Bloody Sunday » et le 11-Septembre avec « Vol 93 »). En d’autres termes, un fond solide appuyé par une forme maitrisée de bout en bout. Et « Green Zone » en est le parfait exemple.
La Green zone n’est pas là où se trouve la plupart du temps Tiger Woods, mais la zone de sécurité établie à Bagdad. Matt Damon joue ici le rôle d’un soldat chargé de retrouver les fameuses AMD (Armes de Destruction Massive) au lendemain de l’invasion de l’Irak par les marines américains. Si son engouement professionnel est certain dès son arrivée à l’écran, où l’on voit clairement que rien ne se mettra sur son passage, il apparaît clairement qu’il est l’un des rares à accorder de l’importance à ces AMD et surtout à la raison de leur absence. Et c’est ce qui va le pousser à s’engager dans cette nouvelle quête, dans cette nouvelle mission : comprendre pourquoi.
Pris entre deux feux de la guerre « de bureaux » que se livre la maison blanche qui ne voit (l’Histoire le prouve) qu’un enjeu politico-économique dans cette invasion et les vieux briscards de la CIA voulant un Irak stable, quitte à faire alliance avec l’armée locale, Miller va devoir faire un choix : suivre les ordres, ou suivre la vérité. Il va peu à peu effacer certaines obligations pour découvrir la vérité car comme il le dit « les causes d’une guerre sont importantes » « Que va-t-il se passer la prochaine fois que l’on aura besoin que les gens nous fassent confiance ? ».
Entouré de soldats dévoués (certains rappellent les soldats de « Bloody Sunday » ), mais peux curieux et finalement peux impliqués dans le problème alors qu’ils sont pourtant au centre du conflit. Il suffit de voir cette scène dans laquelle l’annonce de la fin de la guerre par Bush déclenche un tonnerre d’applaudissement de la part des soldats, alors que l’on sait bien tristement que la plupart d’entre eux vont se faire tuer dans les années qui suivront cette scène et que la guerre n’est toujours pas terminée, pour être témoin de l’endoctrinement des « politiques » sur les troupes.
Miller, lui, n’oublie pas que la vérité est primordiale face à une maison blanche qui ne comprend rien à la situation politique locale. On retrouve bien cette idée entre le plan d’ouverture montrant Bagdad de nuit subissant des bombardements, et l’un des derniers plans montrant cette fois ci Bagdad en feu alors que le conflit est « terminé ». « Ce n’est pas à vous de décider de ce qui se passe ici » dit un Irakien, et Miller va le comprendre. Faire la guerre est une chose, mais il faut savoir pourquoi l’on se bat, pourquoi l’on risque sa vie et pourquoi on va devoir en supprimer une. La force du film (et de la filmo) de Greengrass est de, sans prendre un ton moralisateur, nous confronter face à cela (tout en restant un excellent divertissement).
Techniquement, tout est parfait. On pense forcement visuellement à « La Chute du Faucon Noir » de Ridley Scott en raison de la configuration des lieux et du matériel utilisé, mais toutes les guerres se ressemblent et la comparaison s’arrête la. « Green Zone » n’est pas un film sur les soldats, mais un film sur les raisons de la guerre et, de plus, les styles visuels de Greengrass et de Sir Ridley Scott sont complètement différents (et c’est un fan de Scott et de « La chute du faucon noir » qui écrit ces lignes).
Grand utilisateur de la « shaky cam » (caméra à l’épaule pour un style), Greengrass est l’un des rares à la maitriser et à en donner une raison. Une caméra posée donnerait un point de vue trop contemplatif et nous ferait rester simple spectateur. La caméra à l’épaule nous place au cœur de l’action pour que nous y participions, comme si notre présence, notre avis avait un intérêt : celui d’être témoin (différent de spectateur). Le cast sert bien l’histoire, que ce soit Brendan Gleeson en vieux briscard mystérieux mais réglo ou Jason Isaacs en Delta intrépide (et possédant la « moustache de l’année »). On est bien loin des clichés de comploteurs tyranniques que l’on trouve dans 90% des films de ce genre. Et c'est tant mieux.
Terminons sur une question importante. Mais alors, ce « Green Zone » c’est « Jason Bourne en Irak » ? Alors que les bandes annonces vendent le film de cette manière, à aucun moment l’ombre de l’agent secret en perte de mémoire ne vient planer sur le film. Que ce soit dans les combats, le jeu de Matt Damon et la façon dont Greengrass le filme, rien ne renvoie à « La mort / vengeance dans la peau », pas même la poursuite finale. On en redemande et on est impatient de découvrir une prochaine collaboration entre Greengrass et Damon.
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