© Wild Bunch Distribution
Justine compte suivre la voie familiale en devenant elle aussi vétérinaire. Enfant précoce, elle intègre à seize ans la même école où sa sur est élève. Pour autant, cela ne lui permettra pas d’éviter le bizutage. Végétarienne depuis toujours, être forcée à manger de la viande va alors avoir des conséquences totalement inattendues chez elle…
Depuis les acclamations au Festival de Cannes et la désormais fameuse séance à Toronto où des spectateurs se seraient évanouis, “Grave” jouit d’une réputation sulfureuse. Pourtant, les premières minutes du long métrage de Julia Ducournau commencent comme la plupart des récits d’apprentissage. On y voit la jeune Justine intégrer une école vétérinaire, découvrir les us et coutumes du lieu (soirées très arrosées, bizutages forcés), apprendre progressivement le métier. Mais quelque chose sonne différemment et dénote dans cet environnement immaculé de blanc. La caméra s’attarde sur les corps, qu’il s’agisse d’animaux (vivants ou déjà bons pour la dissection) ou de ces jeunes enivrés se déhanchant au rythme de la musique. On sent la tempête arriver.
Car après avoir été obligée de manger de la viande, Justine, végétarienne, ressent rapidement un désir frénétique pour la chair. Avec une mise en scène esthétique, la réalisatrice développe sa métaphore (le cannibalisme comme exergue des liens du sang, du plaisir charnel et de la transgression) en s’inspirant de ses pairs, en particulier Brian De Palma et David Cronenberg. Objet de genre multipliant les registres, “Grave est une uvre organique qui manie avec brio le gore, gardant le spectateur à bonne distance sans jamais tomber dans la surenchère. Si l’univers est aussi envoûtant que dérangeant, le film souffre malheureusement un peu de ses dialogues relativement pauvres et de son manque de vraisemblances (on a du mal à comprendre comment le comportement des filles pourrait entraîner si peu de conséquences).
Rompant avec l’ultra-réalisme dans lequel nous étions plongés, ces quelques défauts n’annihilent en rien l’intensité de l’ensemble, la tension étant distillée avec grande minutie. C’est précisément ce qui fait la force de ce film qui préfère les petits détails aux grandes explosions sanguinolentes : user de tous les artifices stylistiques, avec notamment un excellent travail sur les sonorités, pour faire monter la pression jusqu’à l’apothéose finale. Bien aidée par des comédiens rendant une copie parfaite (dont la révélation Garance Marillier), Julia Ducournau prouve que premier long métrage peut totalement rimer avec ambition et prise de risque. Et de rappeler, par la même occasion, à ceux qui en douteraient que le cinéma d’horreur français ne se limite pas à Pascal Laugier et Alexandre Aja. Oui, les Français savent faire du (bon) cinéma d’horreur !
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