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Pour mettre un terme à sa galère, Gary accepte un travail dangereux dans une centrale nucléaire. Avec deux amis fraîchement rencontrés, il entame une nouvelle vie, s’intégrant au sein d’un camp de travailleurs mené par le charismatique Gilles. Mais la situation se gâte dès lors qu’il tombe amoureux de Karole, la femme de son collègue Toni. Tandis que les radiations se font de plus en plus fortes, sa relation interdite fait planer sur lui une menace grandissante…
Trois ans après "Belle épine", premier film beau et brut sur la solitude adolescente, Rebecca Zlotowski revient avec un métrage plus abouti, un peu plus classique dans sa facture mais plus puissant sur le fond. Ayant choisi comme décor le site nucléaire du Tricastin (qui n’aura pas été épargné cette année, cf. la manifestation de Greenpeace en juillet), la jeune cinéaste déroule un univers d’un grand réalisme, quasi documentaire, qui fascine par son extrême cinégénie. En effet, qu’il s’agisse du labeur au plus près du réacteur, à la précision clinique et au danger palpable, des ouvriers de la centrale, qui sont autant de « gueules » et de caractères marquants, ou de leur vie quotidienne au sein d’un camping municipal, à la manière d’un camp de gitans, tous les ingrédients sont réunis pour flatter la rétine et, accessoirement, embarquer le spectateur dans un trame sous haute tension dramatique.
Les personnages évoluent dans un monde clos, celui à la fois d’un métier d’exclus (la facilité avec laquelle Gary réussit son entretien d’embauche ne dit long sur l’insuccès du job) et d’une communauté autarcique. C’est pourquoi l’arrivée de l’impétueux Gary (Tahar Rahim, incandescent), d’abord en retrait puis de plus en plus à l’aise au sein de sa nouvelle famille, porte en elle l’essence d’une menace qui ne cessera de planer sur le film. Son idylle interdite avec Karole, dont l’intensité grandissante n’a d’égale que celle des radiations invisibles qui meurtrissent jour après jour son corps, est filmée au plus près, laissant s’échapper par touche sa dimension irrépressible et obsédante. La scène de leur rencontre, véritable bijou de narration (elle l’embrasse goulûment sans prévenir, pour lui exprimer sa définition à elle des effets d’une dose radioactive), porte déjà en elle les germes d’une passion dévorante.
Si Rebecca Zlotowski réussit à faire d’une banale histoire d’adultère une vibrante parabole des ravages amoureux, son film n’aurait cependant pas atteint une telle grâce sans sa distribution, impeccable à tous points de vue. Aux côtés d’un Olivier Gourmet monstrueux de charisme et d’un Denis Ménochet d’une justesse confondante, les seconds rôles apportent brillamment leur pierre à l’édifice, menés par les excellents Johan Libéreau et Nahuel Pérez Biscayart (révélé il y a 3 ans par Benoît Jacquot dans "Au fond des bois"). Quant à Léa Seydoux, qui n’a aujourd’hui plus rien à prouver, elle réussit à se dépasser. Admirablement dirigée, elle offre une véritable performance physique (par sa plastique généreuse, mais aussi sa présence corporelle en tant que telle), s’imposant à chaque plan et délivrant une charge animale qu’on ne lui connaissait pas. Par son regard, sa voix, son aura, elle donne à son personnage une complexité qui achève de faire de ce "Grand Central", un grand film.
CONTRE : Niveau 0 - Un manque qui devient frustrant
Le dernier film de Rebecca Zlotowski s'intéresse donc à l'arrivée d'un jeune homme, Gary, dans un milieu duquel il doit tout apprendre, que ce soit les règles de vie ou bien encore celles de survie. Cet endroit, la centrale nucléaire, n'est pas anodin. Il apporte une tension constante et une impression de danger permanente par son allure imposante, elle qui se dresse dans la nature, et sa sirène qui avertit tous les alentours, dont le camping où logent les protagonistes, à chaque incident. Au premier abord, ce lieu interdit et hautement sécurisé titille notre curiosité. Surtout après quelques scènes se passant à l'intérieur même des réacteurs. On en apprend ainsi un peu plus sur le fonctionnement de ces énormes bâtiments qui nous apportent l'électricité. Par ce côté social, on ne peut alors s'empêcher de se rappeler certains films des frères Dardenne, sans doute en partie aussi grâce à la présence d'Olivier Gourmet dans le casting.
Néanmoins, le film prend une toute autre tournure avec l'arrivée du rôle féminin tenu par Léa Seydoux. Et dès lors, le métrage ne cesse de vaciller entre film d'amour et film social, sans jamais vraiment réussir soit à concilier les deux, soit à choisir plus distinctement l'un ou l'autre. Ce qui met en place une frustration liée au manque de développement des thèmes. En effet, on sort de la projection en restant un peu sur notre faim, aussi bien dans la découverte de cette centrale que dans l'évolution de la relation entre les deux personnages principaux. De plus, bien que celle-ci soit traitée sans maniérisme et de façon assez réaliste, quelques répliques et certaines réactions font tiquer. Parfois, on se retrouve ainsi devant une phrase un peu trop récitée ou un jeu pas assez expressif qui nous fait alors sortir un instant de l'histoire, malheureusement à des moments cruciaux dans la recherche de l'attachement aux personnages. On se détache alors d'eux pour rester en dehors de l'intérêt que l'on devrait leur porter. Au final, bien que certaines idées marchent dans ce film, il reste par certains aspects assez plat et, dans l'ensemble, plutôt décevant.
05-08-2013
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