© 20th Century Fox France
Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, la femme de Nick Dunne, Amy, disparaît. Tout semble accuser Nick…
C’est peu dire que la surprise est grande, à mesure que "Gone Girl" égrène ses minutes, et ses rebondissements, de voir que le film n’est en rien le thriller domestique attendu, celui vendu par la bande-annonce et par le résumé officiel. Car il y a bien deux films, si ce n’est plus, dans ce qui s’apparente, après vision, à un récit aussi insolent que pervers, véritable manifeste d’un cinéma manipulateur, dans ses idées comme dans ses effets. Mais difficile d’en dévoiler plus sans déflorer ce qui fait vraiment la sève de ce que l’on peut dors et déjà considéré comme une œuvre majeure dans la filmographie, pourtant riche en la matière, de cet immense cinéaste qu’est David Fincher.
Le premier film, celui que tous les spectateurs sont venus voir, est peut-être le plus évident, tout du moins le plus facilement abordable. En décrivant, avec une minutie d’orfèvre et une science de la mise en scène, le calvaire éprouvé par Nick Dunne (superbe Ben Affleck) après la disparition de sa femme Amy, Fincher poursuit une thématique proche de celle de son monumental "The Social Network", et de la fin de son précédent "Millénium", en montrant la destruction de la sphère privée, et donc de l’intime, par le pouvoir tout puissant de la sphère médiatique. Ici, le revirement est quasi-instantané, Dunne passant de pauvre mari endeuillé à sociopathe meurtrier par le simple biais d’une geste (un sourire ou une gratitude mal placée), aussitôt interprété et analysé par les médias et ceux qui les suivent aveuglément. Fin manipulateur, Fincher joue même avec son public, en mettant en parallèle l’enquête menée par une inspectrice à l’instinct aiguisé (excellente Kim Dickens) et les révélations contenues dans le journal intime de la disparue, qui laissent à penser que le mari n’est peut-être pas si innocent que ça.
C’est bien là qu’est tout le génie du réalisateur de "Seven", de souffler le chaud et le froid sur son protagoniste, tout en maintenant un élégant suspense basé sur une chasse au trésor des plus retors. Mais au-delà des apparences, on sent bien que quelque chose cloche. Peut-être est-ce l’attitude nonchalante de Nick Dunne... En tout cas, lorsque le second film commence, après cette première heure et demie pleine de sous-entendus et de faux semblants, le choc est total. Car non content de sa charge politique contre l’irresponsabilité du tout-média et ses conséquences, Fincher va dorénavant s’attaquer à une autre sacro-sainte institution de la société occidentale, celle du mariage.
Il y aurait sans doute beaucoup à écrire sur le rôle de la Femme dans l’œuvre de David Fincher. Ici, c’est elle qui est au centre même du projet insidieux, et disons le tout net, complètement barré, du cinéaste, qui non content d’offrir à Rosamund Pike le rôle de sa vie, parvient à créer un authentique personnage de femme fatale psychotique comme le cinéma en voit rarement, et qui porte en elle toute la symbolique lié au mariage et à ses aspects les plus sombres. Desperate housewife en rupture de magie amoureuse, Amy Dunne n’est finalement qu’une façade, celle que l’on se crée lors d’une vie de couple forcément pleine de compromis et de renoncement, et qui empêche la perversion et les démons intérieurs de s’incarner dans la lumière.
Bon, en dire plus sur l’intrigue tortueuse de ce tétanisant "Gone Girl" serait criminel, tant les rebondissements – et ils sont nombreux – en viennent régulièrement à forcer le spectateur à revoir ses acquis, à questionner tout ce qui a précédé, jusqu’à l’ultime image du film, miroir inversé (parce que maintenant, on sait !) de celle qui débuta le long-métrage. En osant porter son film jusque dans ces ultimes retranchements narratifs (oh, de l’humour !) et visuels (oh, du gore !), David Fincher réalise peut-être ici l’un des films les plus hallucinants jamais vu sur les affres du couple, sur la manipulation – privée ou médiatique. Et ajoute donc un nouveau chef-d’œuvre, férocement pervers et malicieux, à son œuvre. Oui, cet homme est un génie. Et je crois qu’on n’a pas finit de le répéter…
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