© Warner Bros. France
Quinze ans après un incident qui a irradié la région de Tokyo et déchiré sa propre famille, et refusant de s’en tenir à la version officielle qui évoque un tremblement de terre, Joseph Brody revient sur les lieux du drame accompagné par son fils Ford, soldat dans la Navy. Ils découvrent que cette catastrophe est due à d’antédiluviens monstres géants réveillés par des essais nucléaires dans le Pacifique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale...
Seize ans ! C’est le temps qu’il aura fallu pour laver l’affront de l’inénarrable navet « jeanrenoesque » que réalisa Roland Emmerich en 1998, et redonner à Godzilla la place qui est la sienne : celle du Roi des monstres. Le genre du kaijū eiga (littéralement, « cinéma des monstres ») ayant été remis au goût du jour, notamment grâce au fabuleux "Pacific Rim" de Guillermo del Toro (et au mésestimé "Cloverfield"), c’est donc tout naturellement qu’un nouveau remake du film séminal d’Inoshiro Honda vient fêter les 60 ans du lézard géant le plus célèbre de l’univers. Mais pour que le résultat s’avère à la hauteur de l’attente, il fallait un cinéaste frondeur, que la Warner aura trouvé en la personne du britannique Gareth Edwards.
Petit génie des effets spéciaux, Edwards s’était fait remarqué lors de la sortie de son premier long-métrage, "Monsters" (déjà une histoire de créatures géantes), notamment par son approche naturaliste des effets numériques, ainsi que quelques idées bien barrées (la scène d’ « amour » des monstres). À l’instar du surdoué Neill Blomkamp (passé du petit budget "District 9" au blockbuster "Elysium"), Edwards se voit donc offrir dès son deuxième film le commande de cette nouvelle version. Et c’est peu dire qu’au-delà de la différence de moyens – et elle est énorme ! – ce "Godzilla" millésime 2014 se situe bien dans la lignée de son précédent effort.
Oubliant toutes les âneries « emmerichiennes » pour mieux revenir au film original, Gareth Edwards opte pour une approche à hauteur d’hommes, sa mise en scène inspirée et énergique collant toujours aux basques de ses protagonistes. C’est d’ailleurs par eux que le film démarre, plantant son décor et ses personnages avec beaucoup de justesse (la prestation de Bryan Cranston aide grandement, il faut la souligner), osant laisser planer le doute sur ce que le spectateur s’apprête à découvrir, et instaurant un suspense constant pour mieux jouer sur les attentes du public. Ayant retenu les leçons d’un Steven Spielberg (principalement sur "Les Dents de la mer" ou "Jurassic Park"), Edwards prend son temps avant de dévoiler sa bête, l’effet n’en étant que plus sidérant.
Aussi efficace soit-il, principalement durant les quarante dernières minutes, franchement mémorables, le script très basique de "Godzilla" n’échappe pas à de nombreux défauts, les moindres n’étant pas des péripéties totalement prévisibles, des personnages secondaires trop peu développés (surtout celui campé par la belle Elizabeth Olsen) et des ellipses aussi frustrantes que mal gérées (le premier combat entre Godzi et le MUTO…). Mais quand bien même. L’amour du genre et de son « héros », allié à une approche formelle sidérante (Spielberg – toujours lui – ou bien James Cameron et Francis Ford Coppola semblent avoir été étudiés à la lettre), permettent à Gareth Edwards, qui sait toujours aussi bien mettre en valeur ses sublimes décors de fin du monde et ses effets numériques, d’imprimer dans nos rétines quelques morceaux de bravoure méchamment jouissifs (l’apparition du premier MUTO, la scène du train, l’arrivée aérienne du commando au-dessus des ruines), qui confinent carrément au sublime lors d’un final dantesque qui voit le Dieu Lézard (sublime, racé, imposant, puissant, lourd, combatif, héroïque, furieux… bref, tel qu’en lui-même !) affronter les deux monstres dans une vision apocalyptique de destruction et de chaos qui laisse sur le cul, et renvoie dans les cordes les chantres de la destruction massive cinématographique que sont Emmerich et Michael Bay. Certes, comme l’auteur de ces lignes, vous pouvez toujours préférer l’approche décomplexée et pétaradante du kaijū eiga de Guillermo Del Toro sur "Pacific Rim", mais ce serait passer à côté d’un sacré morceau de pelloche. Grrraou !
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