© Kanibal Films Distribution
Dans le Pigalle des années 60 évolue Georgia, alias Gigola, une jeune femme plutôt garçonne, qui maîtrise parfaitement les codes du monde de la nuit, et se partage entre son boulot de gigolo féminin et son rôle de proxénète féminin...
Pas facile d'être une femme dans un monde d'hommes. Gigola évolue dans le monde de la nuit, une nuit parisienne des années 60-70, faite de clubs pour femmes, de prostitution, d'alcool et d'argent. Elle y a sa place mais doit chaque jour cependant l'affirmer un peu plus, bien au-delà de son seul aspect androgyne, renforcé par ses tenues de dandy parisien. Mais la vie de Gigola est bien vide, alors que celles des rares hommes qui seraient ses équivalents (un mac corse interprété par Eduardo Noriega...) semblent bien plus contents de leur sort, profitant d'une vie également faite d'emprise sur les autres, de domination et d'argent facile. Le film de Laure Charpentier, adapté de son propre roman (« Gigola », 1972), évolue ainsi, au grès des errances de ce personnage fantomatique de garçonne, inéluctablement rattrapé par la nuit, malgré ses rares pulsions pour lui échapper. Une odyssée bien triste et sans âme.
« Gigola » bénéficiait pourtant d'une distribution remarquable. À sa tête, Lou Doillon ne ménage pas ses efforts, en dandy féminin incapable d'aimer, traumatisée par le suicide de son mentor (une directrice d'école privée, qui lui aurait « tout appris »), armée de sa canne multi-usage du plus mauvais goût, dont la tête de serpent lui sert parfois même... de godemiché. Du côté de sa famille, Thierry Lhermitte incarne un père fuyant, joueur invétéré, mais finalement aussi libre et indépendant qu'elle, tandis de Marisa Berenson joue les mères offusquées, coincée dans ses a priori, et son incapacité à refuser quoi que ce soit à son mari volage. Côté monde de la nuit, Rossy de Palma est l'une des employées du cabaret où Gigola a ses « hôtesses », passant de la fonction de travestie chanteuse à celle de serveuse. Enfin, Marisa Paredes donne chair avec une indéniable classe à une riche et âgée cliente, qui entretiendra un temps l'héroïne.
Malgré toutes ces têtes d'affiche « Gigola » est une longue et laborieuse peinture d'un monde où tout est question de domination. Gigola a ses amantes qu'elle manipule, elle a ses putes qu'elle met sur le trottoir, elle doit tenir tête aux concurrents (la mafia corse, incarnée par Noriega...), et même apprendre à se défendre dans ce sombre milieu (à coup de cannes ou en achetant un revolver...). Même si cette jeune femme prend sous son aile la plus âgée des prostituées, Dolly, de plus en plus perturbée, elle n'en apparaît pour autant humaine que dans de rares moments, comme lors de ses veines tentatives de communication avec sa mère ou lorsque lui vient une brusque envie de faire un enfant. Instable, sans âme, elle cherche toujours la même femme dans toutes celles qu'elle peut rencontrer.
Gigola erre donc dans « son » milieu de la nuit, qu'elle a troqué contre des études de médecine, et qui soi-disant lui apporterait « tellement plus ». Le spectateur, lui, a bien du mal à croire en cela, le milieu dépeint étant d'un glauque absolu. D'autant que cet effet est renforcé par les choix musicaux d'un Jean-Claude Petit composant certes de belles envolées (la chanson « Gigola », qui vous trottinera dans la tête pendant des semaines après la projection...), mais appuyant sur le côté vieillot de ce monde, qu'on croyait disparu. Un effet nostalgique peut-être voulu, qui trouve son comble lors d'une scène de sexe d'une froideur extrême, accompagnée par une musique évoquant sans détour les plus mauvais films érotiques des années soixante-dix, « Emmanuelle » en tête. Ajoutez à cela par moment un effet théâtral, avec silences biens trop longs, chacun attendant bien sagement que l'autre ait fini sa réplique, et cela donne un film étrangement artificiel, témoignage nostalgique sur un monde qui paraît bien lointain.
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