© Pyramide Distribution
Mis en retraite anticipée, Gianni passe ses journées à se dévouer aux autres : une mère vivant au-dessus de ses moyens, une femme débordée, une fille rebelle et le copain nonchalant de celle-ci, squatteur attitré de la maison familiale. Son ami Alfonso lui fait prendre conscience d’un fait établi : tous leurs amis du même âge ont des maîtresses, il faut que Gianni en trouve une et fissa…
Gianni Di Gregorio nous a enchantés, en 2008, avec son « Déjeuner du 15 août », réunion familiale acide centrée autour d’un quinquagénaire gardant une bande de vieilles dames à domicile pendant que leurs fistons partaient guincher avec leurs jeunes maîtresses. Le réalisateur y trouvait, pour son premier long-métrage, une source inépuisable de pathos en la personne de son alter-ego (Gianni), héros fatigué pris dans les affres de la lassitude et de la langueur. Reconduit pour ce second épisode, Gianni tente désormais de délaisser les vétustes dames du premier opus, personnifiées ici par sa mère envahissante et les amies caquetantes de celle-ci, pour s’en aller traquer la gueuse dans une cours effrénée à la poulette de compétition, histoire de faire comme les copains. Sauf que Gianni est tout sauf un dominateur, un dragueur, un macho, un outrecuidant capable de faire tomber les fillettes comme des mouches. Il est surtout faible, médiocre et apathique, écrasé par une femme active et une mère abusive, toujours prompte à téléphoner à son rejeton pour qu’il débarque dans l’instant. Au temps pour le mythe du mâle italien dominant !
Arrivé à la mise en scène sur le tard – il a réalisé « Le Déjeuner du 15 août » à presque soixante ans – après avoir rédigé quelques scénarios, dont celui, en collégialité, de « Gomorra », Gianni Di Gregorio injecte une bonne dose d’autobiographie dans cette histoire faussement simpliste. Au-delà de la correspondance entre les deux Gianni, une foule de détails renvoie à cette authenticité qui est la source d’une atmosphère si réjouissante : la fille du héros incarnée par celle du cinéaste, le chien par le vrai chien, les trois copains qui squattent le bas de sa maison par les trois véritables habitués, etc. Même la mère extravagante, génialement esquissée par Valeria de Franciscis Bendoni (déjà au générique du « Déjeuner »), convoque les traits de caractère de la maman Di Gregorio, pareillement insupportable. A tel point que le cinéaste confesse avoir parfois eu l’impression d’être téléporté à cette époque où il devait s’occuper de sa noble génitrice, occupée à lui rendre la vie intolérable.
La fraîcheur du vécu s’additionne, dans cette quête de la virilité, à une observation en creux de la société italienne du berlusconisme et des fiestas érotico-perverses du président du Conseil, fier, du haut de son grand âge, de pouvoir dresser son spaghetti sur commande. Par le biais de son Gianni, plus pathétique que séducteur, Di Gregorio se moque joyeusement de cette tendance du troisième âge à pourchasser la jouvencelle. « Aucun homme ne se résigne à ne plus être regardé par les femmes », confie le réalisateur à propos de son personnage (et de lui-même, sans doute). Derrière le vernis de la comédie largement improvisée, « Gianni et les femmes » est ainsi traversé de pointes saillantes visant ses frères italiens. Le rapprochement est tout symbolique, mais il n’est peut-être pas hasardeux que le réalisateur soit né à Trastevere, quartier de Rome où se trouve le cinéma de Nanni Moretti – comme une filiation métaphorique entre les deux cinéastes, qui perce décidément dans cette chronique sociale désabusée.
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