© Shellac
Dans la France de 2020, le président Bird est au plus bas dans les sondages et cumule les erreurs avec un aplomb que rien ne semble pouvoir enrayer. Pour remonter sa côte de popularité et éviter ainsi l’arrêt brutal du quinquennat, son conseiller Michel Battement organise une réunion secrète dans les sous-sols de l’Élysée, en compagnie des meilleurs cerveaux du pays. Objectif : trouver une idée pour inverser la courbe de popularité…
On doit au réalisateur débutant Benoît Forgeard un certain nombre de courts-métrages un peu zarbis. On ne s’étonnera donc pas de constater que son premier long-métrage l’est tout autant. Oui, mais attention : par « film zarbi », on n’entendra pas ici cette catégorie de films-dynamites qui lézardent les conventions narratives par des partis pris hors du commun et des idées de cinéma toutes plus étranges les unes que les autres. Non, on entendra ici la définition du « film zarbi » à la manière du récent "Tip Top" de Serge Bozon, à savoir de petits nanars pastels-bobos-branchouilles, aussi fauchés que dénués de toute personnalité, pour qui l’étrangeté et l’incongru se résument à des concepts lâchés en roue libre dans une intrigue elle aussi conceptuelle qui pourrait tenir sur le verso d’un timbre-poste. Et comme il va être en plus question de politique dans l’affaire, inutile de dire que les vertus réflexives de la chose ont été aspirées par un trou noir dès le premier coup de stylo.
Une règle invariable du « film zarbi » est de ménager malgré tout son spectateur en flattant sa suspension d’incrédulité, que ce soit par une intrigue qui touche à une thématique précise, par une mise en scène qui touche au symbole, par des personnages sur lesquels un minimum d’identification reste de l’ordre du possible. Rien de tout cela ici. Passe encore l’idée d’avoir transformé l’irritant Philippe Katerine en chanteur de variétés élu Président de la République sur la foi de ses chansons. Passe encore que l’on ait envie de croire à cette idée farfelue d’une réunion sous l’Élysée, qui consiste à placer une poignée d’inconnus improbables sur des pupitres d’écoliers afin de trouver le moyen de redorer l’image du Président. Passe encore que l’un des participants soit un cyborg – joué par Forgeard lui-même – qui incite au facepalm à force de débiter des âneries totalitaires. Mais le pire, c’est que la stylisation papier peint de Forgeard, ici couplée à des dialogues qui sonnent faux à force de faire « anormal », ne provoque rien d’autre qu’une gêne irraisonnée.
Sur l’humour à froid et la mise en valeur de l’artifice dans tous les coins du décor, le film tient surtout du terrain vague. On a parfois l’impression de voir un enfant corseté dans son pyjama couleur bleu en train de fantasmer sur une situation politique délicate, qu’il s’agirait de reproduire de façon plate et mécanique comme dans un sketch de L’île aux enfants. C’est là tout le paradoxe de ce cinéma parisien autocentré dans sa propre suffisance : à force de se limiter à son petit nombril et d’éliminer toute prise de risque à travers une position de microcosme « coincé », le résultat tient moins du puits de science que de l’usine à gaz (en cela, le titre est tout à fait justifié). Le pompon est atteint dans cet instant furtif où le personnage joué par Olivier Rabourdin exulte face à une secrétaire contestataire son désir de privilégier le « sens » et de bannir l’autodérision. Si "Gaz de France" avait pour vocation de contredire ce dogme (encore plus vieux que le 7e Art lui-même, d’ailleurs), il ne réussit hélas qu’à subir un claquage. Ni sensé ni délirant, ce film est juste creux et bêtement dérisoire.
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