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Pour renouer avec son art et sa liberté, Gauguin s’exile à Tahiti. Là-bas, il vit reclus, passant la majeure partie de son temps à peindre, jusqu’à ce qu’il trouve sa véritable muse : la belle Tehura…
Après l’Argentine pour ses deux premiers longs métrages ("¿ Dónde está Kim Basinger ?" et l’excellente comédie dramatique "Mariage à Mendonza"), Edouard Deluc emmène une nouvelle fois sa caméra vers une contrée exotique, ici Tahiti. Plus précisément, il s’appuie sur le carnet de voyage de Paul Gauguin pour conter son premier exil sur l’île de la Polynésie française. Maladroitement, le film débute trop tôt. Le peintre est encore à Paris à une époque où son nom ne suffit plus à vendre ses toiles. S’il a déjà fondé un mouvement de peintres expérimentaux connu aujourd’hui comme l'école de Pont-Aven, il n’arrive plus à s’exprimer, à dessiner, à respirer dans un monde fait d’artifices et de conventions. Le prologue, trop long et peu utile, a le mérite d’acter ce qui sera le point fort de ce biopic : Vincent Cassel. Impressionnant de charisme, l’acteur incarne l’artiste avec brio, éblouissant la pellicule de son aura.
S’il est difficile de trouver quelque chose à redire sur la prestation du comédien (même si certains trouveront que sa personnalité n’arrive pas à s’effacer derrière son personnage), le scénario, lui, souffre de plusieurs lacunes. En se focalisant sur la personnalité de Gauguin, la caméra délaisse totalement les seconds rôles ; de la famille du peintre, à son épouse tahitienne, en passant par son ami médecin dont la relation est très malhabilement exploitée, aucun ne trouve sa place dans cette intrigue profondément mélancolique. Prenant des largesses avec la réalité, le film avance sur un faux rythme dont la prétendue dimension contemplative est surtout le signe d’un manque de cohérence scénaristique. Et à trop se reposer sur le talent de l’acteur principal, Edouard Deluc en oublie de saisir l’essence du travail artistique de Gauguin, ce regard particulier qui fait de lui l’un des acteurs majeurs du postimpressionnisme et un précurseur de l’art moderne.
Malgré ces quelques défauts, ce drame inspiré et inspirant séduit par la beauté de ces fulgurances, ces brefs moments où le propos et la forme se confondent, où l’artiste et sa muse communient avec les sens, l’art et la nature. En refusant la classique hagiographie, "Gauguin – Voyage de Tahiti" ose un parti pris totalement assumé. Portrait sombre et mélancolique, la mise en scène suit le parcours de son protagoniste, nous offrant des paysages sublimes avec des couleurs inattendues, un cadre de plus en plus resserré au fur et à mesure que l’étau se referme sur le peintre, et une bande sonore particulièrement travaillée. Incapable d’aimer et de regarder les autres en dehors des coups de pinceaux qu’il honore, le film montre avant tout un homme à la dérive, perdu dans ses obsessions et impuissant face à une liberté chimérique qu’il ne peut atteindre. Si l’on aurait aimé des interactions moins superficielles avec les autres âmes qui jalonnent le métrage, le résultat de ce pari risqué est loin d’être honteux et lance même Vincent Cassel dans la course aux Césars.
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