© Warner Bros. France
1949, la ville de Los Angeles est tombée dans les mains de Mickey Cohen, chef de la pègre locale. Mais ce dernier ne se contente plus de l’argent qui coule à flot, des prostitués et de la drogue, il aspire désormais à contrôler tous le système des paris d’argent jusqu’à Chicago. Alors que rien ne semble pouvoir arrêter son ascension fulgurante, les politiciens véreux et les policiers corrompus lui laissant le champ, un homme va s’opposer au truand. Le sergent O’Mara, revenu du front, ne supporte plus de voir sa ville infestée par les criminels. Aidé d’une petite brigade, il compte bien débarrasser la cité des Anges de tous ces hors-la-loi...
Après les comédies « Bienvenue à Zombieland » et « 30 minutes maximum », le réalisateur Ruben Fleischer change son fusil d’épaule pour dégainer sur la pègre américaine de la fin des années 40, sujet mainte fois traité par le cinéma. Celui qui s’était illustré dans des comédies loufoques s’attaque, ici, à un polar sombre, très influencé par ses prédécesseurs – difficile de ne pas penser, notamment, aux « Incorruptibles ». Pour autant, si la maîtrise n’est pas totale, le cinéaste évite de tomber dans le mimétisme ou dans la parodie, nous offrant un long-métrage d’une qualité appréciable. L’histoire se concentre sur l’affrontement entre le célèbre gangster Mickey Cohen et une escadre de policiers bien déterminés à nettoyer la ville de Los Angeles de tous les mafieux qui la contrôlent. Pas intimidé par l’enjeu, Fleischer n’a pas hésité à malaxer sa matière première, en prenant de larges libertés avec la réalité, pour renforcer sa narration, option pertinente l’exonérant de tout reproche.
Dès les premières minutes, le réalisateur nous plonge dans une atmosphère patibulaire, où seule la couleur vive du sang contraste avec l’obscurité de l’image. Polar stylisé, « Gangster Squad » ne ménage pas le spectateur, ne lui épargnant aucune scène de violence : les coups fusent, les corps se déchirent et les coups de feu pétaradent dans un vacarme quasi-incessant. Le film nous transporte alors, par une reconstitution méticuleuse, au cœur des bas-fonds de la Cité des Anges, dans les entrailles de la pègre. Si la psychologie des protagonistes est quelque peu délaissée au profit de l’enchaînement rythmé des scènes d’actions, le long-métrage ne s’apparente pas à une simple succession de règlements de compte. Habilement, le metteur en scène tisse une toile où chacun trouve sa place, les sous-intrigues s’imbriquant parfaitement dans la trame narrative.
Le scénario, intelligemment construit, tient le spectateur en haleine jusqu’à l’affrontement final dont certains ne sortiront pas indemnes. Porté par un casting brillant, Josh Brolin et Ryan Gosling en tête, « Gangster Squad » nous offre une alternative intéressante aux films de gangsters, notamment par le contraste saisissant entre l’utilisation d’une caméra HD et la reconstitution fidèle de l’époque du début des années 50. Le réalisateur met ainsi toute sa technologie au profit du métrage, la modernité de la mise en scène (en particulier l’utilisation des ralentis et des accélérés) et l’image sublimant les décors. Néanmoins, quelques bémols empêchent notre plaisir absolu. Le premier d’entre eux est indéniablement la composition outrancière de Sean Penn qui dessert complètement l’ensemble. Aucun doute n’est porté quant à son talent, on regrettera juste qu’il l’ait laissé dans sa loge. Si quelques longueurs et rebuts scénaristiques sont également à noter, le baptême du feu de Ruben Fleischer est pleinement réussi. En joignant esthétisme et noirceur, classicisme et modernité, celui-ci nous offre un polar âpre et tourmenté qui ravira les inconditionnels du genre.
CONTRE : Niveau -1 - Clichés, frime et toc
Réalisateur de comédies sympathiques mais oubliables, Ruben Fleischer avance avec son « Gangster Squad » en terrain connu (le film noir vintage), avec la promesse de nous offrir un digne héritier de « L.A. Confidential » ou des « Incorruptibles ». Las, la comparaison ne tient pas plus d’un quart d’heure, le temps nécessaire au cinéaste pour alourdir sa photographie d’un filtre sépia surlignant ses velléités « old school », première faute de goût d’une longue lignée d’erreurs impardonnables.
Des décors de pacotille lourdement référentiels (« Chinatown » et « Scarface » sont cités à la truelle) en passant par une bande-son inadaptée ou des ralentis « à la John Woo » curieusement datés, le cinéaste ne cesse de se caricaturer, flirtant allègrement avec la parodie, jusque dans un humour potache de mauvais aloi. Quand il ne se fourvoie pas, il s’adonne à une hyper violence gratuite et sans fondement, surlignant la cruauté de Mickey Cohen. Par opposition, le personnage joué par Gosling se découvre soudainement une morale lorsqu’un cireur de chaussures qu’il a connu 10 minutes meurt dans ses bras. Un manichéisme bon teint que ne rattrape pas le reste du film, à commencer par ses acteurs.
La distribution conjugue ainsi erreurs de casting manifestes et interprétations ratées, déception à la hauteur d’un cast qui constituait l’attrait le plus aguichant du métrage. Emma Stone fleure bon le miscast, jamais crédible dans un rôle de femme pas très fatale, ressemblant plus à une ado qui aurait piqué la robe de bal de sa mère. Ryan Gosling confirme les craintes entrevues dans tous ses rôles depuis « Drive » : dès qu’il ouvre la bouche, sa voix fluette d’enfant de 8 ans le décrédibilise instantanément. La palme revient à Sean Penn, dont le faux nez pathétique ne parvient pas à masquer un cabotinage horripilant. Seuls Josh Brolin et Nick Nolte, solides et charismatiques, tiennent la distance.
Au-delà du ratage esthétique, « Gangster Squad » est un désert narratif, à la mécanique désuète, aux rebondissements téléphonés, où tout est prévisible et par conséquent ennuyeux. Au final, le film ne peut s’adresser qu’à un public ignorant presque 80 ans de film noir. Pour qui a un peu de mémoire, le film de Fleischer est un long pensum recyclant des figures vues (en mieux) ailleurs. La seule véritable (mauvaise) surprise tient en son discours final gentiment réac’, légitimant le vigilantisme et l’auto-justice, tout à fait recevables dès lors que l’on porte un insigne de flic en gage de bonne foi. Le tout sur fond de coucher de soleil et de ricochets dans l’eau. Tellement mauvais qu’à la fin, on préfère en rire.
05-02-2013
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