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Jon Burroughs n’est pas qu’un passionné de musique, il compose aussi ses propres chansons et rêve un jour de produire un disque pour sortir de sa petite vie minable. Alors qu’il mange son panini jambon fromage sur le bord de mer, il fait la connaissance des « SORONPRFBS » (!), un groupe de musiciens qui assiste désabusé à la tentative de suicide de leur joueur de clavier. Devant se produire dans un bar le soir même, le groupe embauche Jon au pied levé qui leur dit, à tout hasard, qu’il est aussi claviériste. Il fait alors la connaissance du leader du groupe, Frank, un chanteur-compositeur au visage caché dans une grosse tête en carton…
Primé d’une mention spéciale du jury pour la meilleure direction artistique au dernier Festival du Film Britannique de Dinard, "Frank" est une belle lecture de la vie, faite à travers le portrait de musiciens complètement barrés qui acceptent (ou non) la venue d’un nouveau, élément perturbateur, qui va essayer de s’intégrer à un groupe (au sens musical mais aussi social du terme) tout en tentant de faire valoir sa propre vision des choses. Mais quand deux mondes diamétralement opposés essaient de fusionner, ça commence souvent par faire des étincelles, puis ça explose !
C’est donc à un choc des cultures que nous avons affaire comme si un sain d’esprit entrait dans un asile de fous ! Bien que le sain d’esprit ait son petit grain aussi : il a un job qui ne le passionne pas, vit toujours chez ses parents à trente piges et écrit des chansons… un rien mielleuses. L’ouverture du film est d’ailleurs cocasse, montrant Jon à la recherche de l’inspiration et imaginant toutes sortes de paroles et de rythmes d’après les gens qu’il croise et les scènes de la vie qui l’entourent… ! Dur dur de vouloir être ce qu’on n’est pas. Le film pose là une question intéressante : faut-il dans un cas pareil se faire une raison et baisser les bras ou bien persister surtout quand on est au contact de personnalités qui possèdent ce don qu’on aimerait tant avoir ?
Pour répondre à cette question, Leonard Abrahamson ("What Richard did"), sur un scénario de Jon Ronson et Peter Straughan (ceux qui avaient écrit "Les Chèvres du Pentagone"), emmène sa troupe dans un coin paumé où le groupe, retranché dans un chalet, décide d’enregistrer son nouvel album. Un microcosme où la proximité entre tous aurait pu faciliter la communication sauf que la folie va l’emporter sur la raison, exacerbant les sentiments, tous les sentiments, de l’adulation à la méprise, de la dépression à l’aveuglement. Des tensions qui fragiliseront le groupe et ses membres, Frank allant crescendo vers l’aliénation passée la moitié du film.
L’ambiance au départ fraîche, acidulée et comique s’assombrit, donnant naissance à un climat plus houleux, grave et dramatique. Jon qui idolâtre Frank parce qu’il est ce qu’il aimerait être (un artiste inspiré et impulsif qui ne raisonne pas en se demandant quelles vont être les conséquences de ses actes, mais agit juste) va chercher à le protéger. Mais en voulant bien faire, il fout en l’air l’équilibre certes tordu qui régnait dans le groupe mais qui faisait son fonctionnement. Alors que le novice pense célébrité et public en délire, les autres sont dans une autre sphère, celle de la création.
Le film pose alors une autre intéressante question : qu’est-ce, au final, qu' « être célèbre » ? Peut-on être populaire tout en étant unique ? L’histoire interroge sur la notoriété et le succès fulgurant qui peut vous tomber dessus grâce aux (ou à cause des) réseaux sociaux, ou comment on peut basculer dans la célébrité sans jamais l’avoir demandée. D’où le masque de Frank qui se cache dans une fausse tête pour rester indépendant et libre. Original dans son ton et son traitement, le film se différencie des grosses comédies dramatiques aux ficelles éculées. Les comédiens sont à leur top niveau (Maggie Gyllenhaal froide comme un soleil d’hiver peut soudain se transformer en lionne en chaleur), avec une bande originale excellente et Michael Fassebender au micro !
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