© Wild Bunch Distribution
Une symphonie en trois mouvements: Des choses comme ça (en Méditerranée, la croisière du paquebot. Multiples conversations, multiples langues entre des passagers presque tous en vacances...), Notre Europe (le temps d’une nuit, une grande sœur et son petit frère ont convoqué leurs parents devant le tribunal de leur enfance. Ils demandent des explications sérieuses sur les thèmes de liberté, égalité, fraternité) et Nos humanités (visite de six lieux de vraies / fausses légendes, Egypte, Palestine, Odessa, Hellas, Naples et
Barcelone)...
AVERTISSEMENT. Il est de rigueur d’en adresser un au spectateur avant qu’il entre dans la salle de projection pour y découvrir « Film socialisme ». Car même prévenus de ce que peut être « un Godard » – un film-concept voire un film expérimental – vous serez décontenancé.
En effet, le dernier JLG présenté ce printemps à Cannes dans la sélection parallèle « Un certain regard » est une succession de saynètes, presque des courts-métrages plus ou moins cohérents, politiques, originaux ou esthétisés. Bien que l’on retrouve ici la façon de procéder du vieux cinéaste sur ses derniers longs, ceux des années 2000, l’éclatement du montage est tel que s’accrocher au sens qu’il essaie de nous faire entrevoir, apparaît comme un véritable exercice...
Destructuration
Ces « bouts de film » se trouvent rattachés les uns aux autres de façon formelle par deux biais : d’abord le travail sur l’image qui est un ciment fort dont Godard abuse presque (tons de rouge appuyés et omniprésents, esthétisation de l’image). Aussi, l’imbrication des saynètes les unes au sein des autres tout à la fois perd le spectateur, qui en vient à mélanger les « personnages » et leurs récits, et en même temps donne une vigueur narrative au film, nous obligeant à un effort intellectuel de dissociation-association. Mais peut-être le mot « saynètes » est-il incorrect ici, alors qu’il s’agit de qualifier des séquences de quelques dizaines de secondes tout au plus, qui s’enchainent sans lien apparent de prime abord et empruntant à tout type de support visuel : de la vidéo de surveillance à la HD en passant par les images d’archive, le documentaire voire des extraits d’autres film !
Cependant, ces saynètes sont également liées, c’est ici que le titre se trouve justifié, par leurs propos via les dialogues, lieux et anecdotes. Ainsi, la multitude narrative de « Film socialisme » converge (trop) lentement vers une fresque incomplète, partielle mais pluriforme et insolite qui dépeint le vécu socialiste, parfois la concrétisation soviétique de la doctrine, ses valeurs, ses figures et séquelles.
Folle Europe
Mais là aussi, il est difficile de trouver un thème englobant, un sujet principal au film car le socialisme n’est qu’évoqué, entrevu et l’URSS plane en fantôme sur « Film socialisme » mais n’en est pas le fil directeur... L’Europe se dégage malgré tout comme le point d’ancrage du message de Godard, qui en fait l’ouverture de son œuvre – en Méditerranée sur le paquebot, où se trouve majoritairement la caméra, comme nid maritime de la civilisation. Il visite également le vieux continent par étapes, en s’attardant sur certains villes et territoires clés de son Histoire : Barcelone, Naples, Haïfa, la Grèce, etc. L’Europe du XXème siècle et ses turbulences contemporaines sont le filigrane de la toile de fond presque « décliniste » du film et pourtant si pleine d’envie de voir ce continent heureux, enfin (Godard va même jusqu’à exprimer textuellement ce souhait à l’écran).
Convergence
Le principal grief que l’on adressera à Godard est la mise à l’épreuve du spectateur à laquelle il procède dans les deux premiers tiers du film : la mise en place de l’articulation des saynètes qui composent son œuvre est longue, tellement que l’on hésite à quitter la salle, espérant maintes fois la convergence attendue vers une cohérence globale du propos, mais se trouvant autant de fois déçu et contraint d’attendre que quelques tours de bobine nous fournissent des éléments de réponse. Les scènes finissent par s’allonger, par gagner en cohérence, les dialogues deviennent plus construits et l’on comprend (ou du moins en partie) où Godard voulait nous emmener, ce qu’il s’efforçait de démontrer. Mais ce processus est si laborieux que l’on se décourage ; un découragement sans lassitude, plutôt désabusé, l’énervement n’étant pas loin et la salle se vidant.
On pourrait penser qu’un film aussi particulier, qui forcément ne laisse pas indifférent, crée un franc clivage entre les spectateurs et qu’il ne soit possible que de l’adorer ou de le haïr. Cependant les maladresses de rythme évoquées nuancent en fait le ressenti que l’on peut avoir sur « Film socialisme » : cette œuvre s’avère au final toujours intéressante, mais pas totalement réussie.
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