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Poussé par le souhait de comprendre comment tant d’hommes et de femmes ont pu adhérer aveuglément à la doctrine nazie et à son lot d’horreurs qui l’accompagne, Stanley Milgram - psychologue - décide de réaliser dès 1961 une expérience scientifique qui vise à mieux analyser les mécanismes qui poussent un individu à se soumettre à l’autorité. Cette expérience implique un sujet test et un complice. Le sujet test appelé le « professeur » doit poser plusieurs questions au complice dénommé « l’élève ». À chaque mauvaise réponse, le professeur doit administrer des décharges électriques d’intensité progressive (de 45 volts à 450 volts). Bien sûr l’élève complice de l'expérience ne reçoit aucune décharge et simule juste les cris et plaintes. L’objectif étant de déterminer jusqu’où irait le professeur sous la pression de l’équipe scientifique qui le pousse à continuer jusqu’au bout. Milgram, après des années d’expériences et des centaines de sujets tests, va publier des résultats imprévisibles. Mais ces résultats vont rapidement générer des débats animés, sujets de controverses et de plaintes ; plaintes en provenance de la communauté scientifique et de certains sujets potentiellement traumatisés...
Michael Almereyda ("Anarchy") nous met face-à-face avec un sujet sur la soumission vis-à-vis de l’autorité, histoire vraie qui a généré de grands débats dans les années 1960-1970, époque à laquelle les procès des anciens bourreaux nazis étaient diffusés dans tous les foyers américains. L'expérience scientifique montrerait que l’autorité nous pousse parfois à commettre le pire, ou du moins, des choses qu’on n’aurait jamais pensé pouvoir faire, car contraire à nos valeurs et nos principes. Et ce test de Milgram démontrerait habillement que l’obéissance ou le refus de l’autorité dépendent surtout du contexte et d’un grand nombre de paramètres ; et pas seulement de nos sentiments propres et de notre caractère.
La première force de ce long métrage réside dans le casting. Peter Sarsgaard se révèle être un très bon choix, interprétant son rôle de scientifique, un peu perché mais si brillant, avec brio. Un comédien totalement convainquant ! On a aussi plaisir à retrouver Winona Ryder, qui joue le rôle de la femme aimante, grande supportrice de son mari. Une comédienne des plus crédibles ! Dans son ensemble le reste du casting et les costumes expriment bien les années 60-70 et les décors et accessoires, parfois minimalistes, remplissent le contrat. Almereyda a été même jusqu’à se limiter parfois à un poster représentant un jardin ou l’intérieur d’une maison comme arrière-plan. Audacieux car renforçant l’idée que tout est superficiel et que ne subsiste que les aspects et les vérités scientifiques.
La deuxième grande force de ce film, c’est qu'il nous éduque ou, au moins, qu'il nous pousse à nous interroger. En nous posant des questions et en analysant les explications on comprend mieux certains mécanismes et certains pièges dans lesquels nous tombons sûrement quotidiennement sans même nous en rendre compte. Il en va, ainsi, de notre capacité à se faire influencer en groupe au point de renoncer à ses certitudes au profit d’un certain conformisme.
En revanche, si Almereyda avait pour objectif de nous attacher à ses personnages, c’est raté. Et c’est bien un des seuls reproches majeurs que l'on pourrait faire au film : notre manque d’empathie pour les différents rôles fait que nous restons toujours sur la touche et jamais dans le jeu directement. Et les interventions face caméra de Milgram s’adressant au spectateur n’y changeront rien (on pense aux interventions de Frank Underwood dans « House of cards », en moins réussi). Néanmoins, ce processus nous permet peut-être d’être davantage concentré sur les aspects scientifiques et philosophiques du métrage.
Le seul objectif fondamental de Milgram était de « contribuer à éclairer la condition humaine » sans la juger ou l’excuser. Almereyda, quant à lui, a contribué à nous rendre plus ouvert, enrichi par une expérience cinématographique réussie, bien que pas assez relevée pour la faire rentrer dans les incontournables du cinéma où se trouve "I... comme Icare", un film d'Henri Verneuil avec Yves Montand qui exploitait déjà ce sujet avec davantage de réussite.
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