© Pathé Distribution
Toutes de noir vêtues, des femmes marchent le visage triste, en direction du cimetière. Chacune serre contre son cœur le portrait d’un proche disparu. La procession avance puis se sépare, les unes se recueillant sur des tombes surplombées d’une croix, les autres d’un croissant.
Il était une fois, un petit village du Proche-Orient où les habitants priaient deux dieux différents. Pendant longtemps, les villageois se sont entre-tués au nom de leur foi. Conséquence de cette guerre fratricide, le village fut alors isolé et les chemins qui y menaient furent presque impraticables. La communauté, une fois réconciliée, mit alors tout en œuvre pour vivre décemment et ne manquer de rien. Malheureusement les braises de la discorde, n’étaient pas réellement éteintes et la moindre étincelle menaçait de raviver la haine. Heureusement les femmes veillaient, prêtes à tous les stratagèmes pour éviter une nouvelle tuerie.
Tel est le début du conte “Et maintenant on va où ?”, une histoire sans repères de lieu, ni de temps, soulevant une problématique universelle. Néanmoins, tout semble bien réel et la métaphore n’est ici qu’un rempart contre les polémiques. Car, comme le dit si bien Nadine Labaki, les libanais ont toujours su s’autocensurer afin de pouvoir s’exprimer. Ainsi, au travers de cette touchante histoire, à la fois triste et drôle, elle pose un joli portrait de son pays. Un pays qui a appris à dédramatiser les deuils, la souffrance et la continuelle menace d’un nouveau conflit.
Alors par une chanson, un mouvement légèrement chorégraphié ou une délicieuse anecdote, la réalisatrice pose une à une les fondations de son propos. Certes le début est un peu laborieux, les personnages étant nombreux. Or une fois le décor posé, le film s’envole dans une belle démonstration de solidarité féminine. Pleines d’imagination, les femmes se regroupent pour trouver les parades les plus cocasses afin de calmer la rage dévastatrice de leur frères. À l’image de la scène finale, grandiose.
Cependant «Et maintenant on va où ?» n’est pas qu’une comédie légère qui oppose homme et femme dans leur différence, c’est aussi un véritable cri du cœur dénonçant les affres d’une tragédie contemporaine. Nadine Labaki aspire à la paix, et lorsqu’elle interprète Hamale, la patronne du café du village, elle laisse transparaître le désespoir d’une vie marquée par la guerre. «Notre unique destin c’est de vous pleurer… de porter le noir !» Hurle t-elle lors d’une altercation entre les peintres musulmans qu’elle a embauché et ses clients chrétiens. Son visage est grave et non équivoque, car duper les hommes pour qu’ils se réconcilient n’est pas qu’une plaisante facétie féminine, c’est surtout l’unique moyen d’éviter une nouvelle tragédie.
Quatre ans après son premier film, le sublime «Caramel», Nadine Labaki impose son talent avec ce deuxième long métrage. Et même si celui-ci connaît quelques faiblesses dans la construction, il n’en est pas moins un film très attachant qui aborde le tragique avec une belle sensibilité, subtile et poétique. Maintenant, à vous !… de découvrir «Et maintenant on va où ?»
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