Un intelligent dispositif constructif

Avi Mograbi, réalisateur de documentaires aux sujets souvent politiques ("Pour un seul de mes deux yeux", "Z 32"), nous revient avec un nouveau film consacré aux immigrés africains ayant choisi de passer par Israël (et non par la Méditerranée). Si la figure du migrant est plus qu'à la mode dans le cinéma actuel, du fait des phénomènes de masse qui ont eu lieu ces dernières années, en raison à la fois des guerres en Afrique et de la guerre en Syrie, Avi Mograbi choisit un dispositif constructif à part, loin à la fois de l'hyper-réalisme coup de poing de Jacques Audiard ("Dheepan") ou de Michael Winterbotom ("In this world"et de l'onirique creux d'un Gianfranco Rosi ("Fuocoammare").

Montrant tout d'abord les conditions de vie de ces migrants pris au piège entre deux frontières, il utilise ensuite le théâtre pour permettre l'expression des souffrances quotidiennes, explorer les parcours et motivations de chacun ou encore faire jaillir les revendications. Il reconstitue ainsi les moments les plus difficiles, d'affrontement avec des soldats, de confrontation avec la machine étatique, posant avec la dure réalité, une distance nécessaire pour le spectateur, tout en rendant compte de la tension inhérente à chacun de ces moments. En inversant les rôles par le jeu il crée aussi les conditions d'un dialogue espéré avec les locaux et fait apparaître sa démarche comme un parcours vers la tolérance. Tout comme en captant certains moments clés de l'histoire de ces camps « hors la loi » (une manifestation en direction de Tel Aviv...) et en insérant quelques repères datés, il insère son projet dans une démarche de progrès pour la situations de ces hommes. Un documentaire intelligent même si un peu statique par moments.