affiche film

© Wild Bunch Distribution

ENTER THE VOID

(Soudain le vide)


un film de Gaspar Noé

avec : Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy...

Un jeune drogué s'engueule avec sa sœur, qui accuse l'un de ses potes d'être un dealer. Dans les rues de Tokyo, il se rend dans un sombre bar, « The Void », et s'assoie à la table d'un jeune homme qui, immédiatement, lui demande « pardon », à demi-voix. Comprenant qu'il s'est fait piéger, il se précipite dans les toilettes pour y vider les substances qu'il a sur lui, alors que la police fait violemment irruption dans le bar. Refusant de sortir, il est abattu d'une rafale de fusil au travers de la porte. Commence alors le voyage de son âme...


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Photo film

POUR: Niveau +2 - Un trip de la mort visuellement éblouissant

Explicité brièvement dans l'un des dialogues initiaux du film, le voyage des morts, selon le livre des morts tibétain, est ici décrit avec minutie, depuis le flottement de l'âme autour du défunt, jusqu'à la possible réincarnation par le choix d'un « ventre lumineux ». Et le très controversé Gaspar Noé (« Seul contre tous », « Irréversible ») nous invite à suivre ce jeune homme dans le trip le plus puissant qui soit: celui du passage de vie à trépas. Sur près de 2h30, il livre une séance hypnotique, visuellement éblouissante et colorée, voyage improbable et aérien, fait de fractales tentaculaires et de retours assourdis à la réalité. Le spectateur sera alors absorbé ou restera totalement en dehors du trip.

Une chose est sûre, Noé réussit là ce que Jan Kounen avait totalement raté avec son « Blueberry »: faire vivre une tranche de trip halluciné, déstabilisant par ses mouvements de caméra (la louma aura rarement été autant sollicitée). Bien sûr, certains y verront une ode à la drogue et ses effets planant, alors qu'il s'agit pourtant de la description d'une mort... Du coup, le voyage est moins inquiétant que ce que l'auteur peut en faire, concernant les rapports entre frère et sœur, l'âme du disparu s'amusant à rejoindre cette sœur qui l'obsède, jusqu'à s'intégrer dans la tête de celui qui lui fait l'amour. Et c'est sans parler du dénouement... Perversion malsaine ou naïf désir de protection lié à une promesse faite lors du vivant ? Difficile de trancher.

Car Gaspar Noé aime à jouer sur les ambigüités, pour mieux renforcer les sensations. Il n'hésite devant aucune représentation, du violent accident de voiture dont furent victimes les parents, jusqu'à la pénétration d'une verge géante, en passant par l'écœurante vision d'un fœtus avorté couvert de sang. Tout cela prend aux tripes. En bref, si l'on ne peut qu'admirer le résultat technique, on regrettera presque que l'auteur n'exploite finalement pas la perte de l'âme, faite de mauvais choix, décrite initialement comme l'une des possibilités finales de son voyage. Noé se dirigerait-il vers la voie d'une certaine sagesse ?


CONTRE: Niveau -2 - L'errance et le voyeurisme du fantôme d'un junkie


Toujours aussi obsédé par les paradis artificiels et le sexe, Gaspard Noé propose ici une vision de Tokyo à travers les yeux d'un jeune junkie américain, sans repère ni valeur, errant dans la cité japonaise lumineuse. Dès les premières scènes, il nous plonge dans la tête d'Oscar, nous laissant entendre toutes ses pensées et ressentir ses hallucinations. Il nous plonge dans sa tête, en voyant chacun de ses battements de cils et une vision troublée et psychédélique, où son esprit fantasme sur des formes géométriques ou des sortes de cellules de corps humains fluorescentes... le tout dans un brouhaha assourdissant.

Après sa mort, toujours présents dans son âme, nous sommes conviés à errer dans le Tokyo de la nuit, en plongée (effet stylistique contestable), de manière constante, comme si nous flottions au dessus de tout, en silence, que ce soit dans une vision floutée, naturelle ou au fish eye.

Afin d'être certain de choquer son audience, au-delà de certaines scènes de sexe qui pourraient mettre mal à l'aise certains, Noé nous invite à être témoin de l'avortement de Linda, nous donnant à observer le curetage, puis le fœtus mort, sous toutes les coutures. Ensuite, il nous propose d'errer dans un hôtel de passe, tel un voyeur, une séquence de dizaines de couples en plein coït, suivi d'un plan dans le vagin d'une femme, où le sexe de son partenaire, en plein va et vient, libère sa semence, pour finir enfin par une séquence où le spermatozoïde arrive à féconder l'ovocyte ! La boucle est bouclée! Et on rigole !

L'une des principales erreurs commises par Gaspard Noé, est d'avoir voulu présenter un film à Cannes sans l'avoir réellement fini ! Ce n'est pas l'absence de générique qui fait défaut, mais plutôt le manque de soin qu'il a pris à donner une fin à son film, mettant bout à bout ce qui ressemble à 3 versions différentes, parmi lesquelles il ne semble pas vouloir choisir. C'est aussi par la répétition des plans où il entre dans la lumière et éblouit ses spectateurs, qu'il nous agace, utilisant à outrance une technique qui semble pertinente pour certaines scènes et complètement inutile pour d'autres : au début du film, pour nous faire entrer dans l'univers planant d'Oscar, puis par simples répétitions machinales... Au-delà de l'agacement et de la gène visuelle que cela peut provoquer, au bout d'un certain temps, le propos de ces scènes semble bien creux.

Même les vues de Tokyo, depuis le ciel, ou dans les rues affublées d'une multitude de néons, qui fascinent notre protagoniste, n'ont finalement aucune beauté. Les seuls plans soignés sont ceux des tétons de l'actrice principale, témoin de l'apparente obsession de Noé pour les poitrines généreuses, que ce soit dans des scènes de sexe ou d'allaitement !

Le sujet choisi par Noé de la vision d'un trip par un junkie et de l'errance de l'âme après la mort, ainsi que les similitudes que ces deux états semblent avoir, auraient pu présenter un intérêt... A la place, Noé réussit à agacer son audience, faisant l'apologie des drogues dures, d'une sexualité sans désir, et nous entraîne dans une ballade interminable où tout n'est que répétition. De ce supplice de 2h30, 45 minutes semblent passablement inutiles, et ne font que desservir son propos, qui aurait pu être intéressant...

Véronique Lopes

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