Quelque part en France, au lendemain de la premiĂšre guerre mondiale, une famille amĂ©ricaine tente de sâadapter Ă sa nouvelle vie dâexpatriĂ©e. Le pĂšre, un proche du prĂ©sident Wilson, participe aux tractations du futur TraitĂ© de Versailles. La mĂšre, plus en retrait, officie comme gardienne du foyer. Quant Ă leur fils, en dĂ©pit de son apparence angĂ©lique, il montre dĂ©jĂ les signes dâun petit dĂ©monâŠ
PremiĂšre rĂ©alisation du jeune Brady Corbet, dont la carriĂšre en tant quâacteur tĂ©moigne dâun goĂ»t pour les films Ă©sotĂ©riques et les personnages marginaux ("Mysterious Skin", "Funny games US", "Martha Marcy May Marlene"), "LâEnfance dâun chef" est adaptĂ© dâune nouvelle de Jean-Paul Sartre. PubliĂ©e en 1939, dans lâentre-deux guerres, cette Ćuvre littĂ©raire narrait les mĂ©andres psychologiques dâune jeune garçon qui, par un effort dâintrospection, se dĂ©couvrait une Ăąme de tyran.
Un contexte historique cinĂ©gĂ©nique, une dimension psychanalytique, un fort potentiel dramatique⊠Le matĂ©riau lĂ©guĂ© par Sartre est extrĂȘmement inspirant. Or loin de se contenter dâen faire un film historique ou mĂȘme un thriller psychologique, Brady Corbet choisit de se lancer dans une fresque ambitieuse multi-genres, enrichie de parti-pris artistiques audacieux, voire totalement disruptifs. Ainsi, le film verse Ă la fois dans la reconstitution ruizienne - en apportant un soin indĂ©niable aux costumes et aux dĂ©cors, et en optant pour une photographie vieillie -, et dans la fiction horrifique machiavĂ©lique - Ă travers une mise en scĂšne qui nâest pas sans rappeler les Gialli italiens ou certains chefs-dâĆuvre de lâangoisse ("Rosemaryâs baby" de Polanski, pour nâen citer quâun).
Le rĂ©sultat est aussi inĂ©dit quâinĂ©gal. Aux bonnes idĂ©es qui Ă©maillent le mĂ©trage (la musique aliĂ©nante de Scott Walker, la mise en scĂšne empruntĂ©e au cinĂ©ma dâangoisse) sâajoutent dâindĂ©niables fautes de goĂ»t, semblant traduire une forme de voracitĂ© sans limite. Sâimmiscent ainsi dans le film des plans arty superflus, des images dâarchive insistantes et des scĂšnes complĂštement gratuites, dont la vocation semble ĂȘtre de faire plaisir au rĂ©alisateur : ce rideau qui prend feu avant de sâĂ©teindre de lui-mĂȘme, cette punchline vengeresse de Yolande Moreau, dans sa derniĂšre apparition, qui demeure par la suite sans consĂ©quence⊠On hĂ©site sans cesse entre se rĂ©jouir ou sâindigner.
Pour couronner le tout, lâapprenti cinĂ©aste sâamuse avec lâhistoire, faisant de son leader devenu adulte une chimĂšre du totalitarisme du XXe siĂšcle, sans rĂ©elle cohĂ©rence avec la trame dâorigine et, surtout, sans lien probant avec les faits historiques relatĂ©s. Brady Corbet ne serait-il au fond quâun cinĂ©phile passionnĂ©, un peu dingue et surtout trĂšs gonflĂ©Â ? Capable, par la force de son enthousiasme, de rĂ©unir un casting aussi prestigieux quâimprobable (Yolande Moreau et Robert Pattinson rĂ©unis dans un mĂȘme filmâŠ) ? Une chose est sĂ»re, "LâEnfance dâun chef" nâest pas un film comme les autres. Comme toute Ćuvre libre, il fascine autant quâil irrite, ne laissant personne indiffĂ©rent et clivant les publics. Pour preuve : bien quâhuĂ© par les festivaliers de la Mostra de Venise, il fut gratifiĂ© du prix du meilleur premier film.
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