affiche film

L'ENFANCE D’UN CHEF

(The childhood of a leader)


un film de Brady Corbet

avec : Robert Pattinson, Liam Cunningham, Bérénice Bejo, Stacy Martin, Yolande Moreau


Quelque part en France, au lendemain de la premiĂšre guerre mondiale, une famille amĂ©ricaine tente de s’adapter Ă  sa nouvelle vie d’expatriĂ©e. Le pĂšre, un proche du prĂ©sident Wilson, participe aux tractations du futur TraitĂ© de Versailles. La mĂšre, plus en retrait, officie comme gardienne du foyer. Quant Ă  leur fils, en dĂ©pit de son apparence angĂ©lique, il montre dĂ©jĂ  les signes d’un petit dĂ©mon



2
Photo film

ChimÚre cinématographique

PremiĂšre rĂ©alisation du jeune Brady Corbet, dont la carriĂšre en tant qu’acteur tĂ©moigne d’un goĂ»t pour les films Ă©sotĂ©riques et les personnages marginaux ("Mysterious Skin", "Funny games US", "Martha Marcy May Marlene"), "L’Enfance d’un chef" est adaptĂ© d’une nouvelle de Jean-Paul Sartre. PubliĂ©e en 1939, dans l’entre-deux guerres, cette Ɠuvre littĂ©raire narrait les mĂ©andres psychologiques d’une jeune garçon qui, par un effort d’introspection, se dĂ©couvrait une Ăąme de tyran.

Un contexte historique cinĂ©gĂ©nique, une dimension psychanalytique, un fort potentiel dramatique
 Le matĂ©riau lĂ©guĂ© par Sartre est extrĂȘmement inspirant. Or loin de se contenter d’en faire un film historique ou mĂȘme un thriller psychologique, Brady Corbet choisit de se lancer dans une fresque ambitieuse multi-genres, enrichie de parti-pris artistiques audacieux, voire totalement disruptifs. Ainsi, le film verse Ă  la fois dans la reconstitution ruizienne - en apportant un soin indĂ©niable aux costumes et aux dĂ©cors, et en optant pour une photographie vieillie -, et dans la fiction horrifique machiavĂ©lique - Ă  travers une mise en scĂšne qui n’est pas sans rappeler les Gialli italiens ou certains chefs-d’Ɠuvre de l’angoisse ("Rosemary’s baby" de Polanski, pour n’en citer qu’un).

Le rĂ©sultat est aussi inĂ©dit qu’inĂ©gal. Aux bonnes idĂ©es qui Ă©maillent le mĂ©trage (la musique aliĂ©nante de Scott Walker, la mise en scĂšne empruntĂ©e au cinĂ©ma d’angoisse) s’ajoutent d’indĂ©niables fautes de goĂ»t, semblant traduire une forme de voracitĂ© sans limite. S’immiscent ainsi dans le film des plans arty superflus, des images d’archive insistantes et des scĂšnes complĂštement gratuites, dont la vocation semble ĂȘtre de faire plaisir au rĂ©alisateur : ce rideau qui prend feu avant de s’éteindre de lui-mĂȘme, cette punchline vengeresse de Yolande Moreau, dans sa derniĂšre apparition, qui demeure par la suite sans consĂ©quence
 On hĂ©site sans cesse entre se rĂ©jouir ou s’indigner.

Pour couronner le tout, l’apprenti cinĂ©aste s’amuse avec l’histoire, faisant de son leader devenu adulte une chimĂšre du totalitarisme du XXe siĂšcle, sans rĂ©elle cohĂ©rence avec la trame d’origine et, surtout, sans lien probant avec les faits historiques relatĂ©s. Brady Corbet ne serait-il au fond qu’un cinĂ©phile passionnĂ©, un peu dingue et surtout trĂšs gonflé ? Capable, par la force de son enthousiasme, de rĂ©unir un casting aussi prestigieux qu’improbable (Yolande Moreau et Robert Pattinson rĂ©unis dans un mĂȘme film
) ? Une chose est sĂ»re, "L’Enfance d’un chef" n’est pas un film comme les autres. Comme toute Ɠuvre libre, il fascine autant qu’il irrite, ne laissant personne indiffĂ©rent et clivant les publics. Pour preuve : bien qu’huĂ© par les festivaliers de la Mostra de Venise, il fut gratifiĂ© du prix du meilleur premier film.

Donnez votre avis (0)

Partager cet article sur Facebook Twitter