© Gaumont Distribution
Yann Kermadec prend la barre un peu par hasard dans la Course du Vendée Globe, suite à la blessure du skipper officiel du bateau Sodebo. Il prend rapidement la tête de la course, réalisant même un record intermédiaire au bout de quatre jours. Mais, au cinquième, il percute un baril et se voit contraint d’arrêter momentanément la compétition pour réparer sa quille… C’est à ce moment-là qu’un jeune clandestin se glisse dans le voilier – qu’il prend pour un bateau de plaisance – afin de rejoindre la France…
La course mythique du Vendée Globe, tour du monde en solitaire sur voilier monocoque, est en soi un défi humain impressionnant qui peut légitimement être porté à l’écran, tant l’aventure est belle, risquée et spectaculaire. Tous les ingrédients sont là pour en faire une fresque cinématographique hors norme avec ses retournements de situation, ses rencontres insolites ou dangereuses, ses lieux légendaires (que sont le Cap Horn ou l’Antarctique), ses immersions intérieures où pendant 80 jours on se retrouve, sur un petit bateau, seul face aux éléments et à soi-même…
Las ! "En solitaire" n’a rien d’un film d’aventures en mer comme avait pu l’être "L’Odyssée de Pi" d’Ang Lee ou comme le sera le nouveau film avec Robert Redford "All is Lost" qui sort en décembre prochain. Ici, le spectateur suit la course du Vendée Globe dans le bateau de Yann Kermadec (copie conforme d’Olivier de Kersauson) avec comme seuls enjeux dramatiques une quille à réparer, un invité surprise et une concurrente à assister… Fin connaisseur de la course, Jean Cottin, scénariste du film, n’oublie pas de traiter les principaux éléments du règlement officiel : le skipper ne peut accoster nulle part mais peut effectuer des réparations au bord des côtes (scène aux Canaries), le skipper ne peut embarquer personne sur son voilier (arrivée de Mano, le migrant mauritanien), sauf en cas de naufrage d’un concurrent (épisode avec Mag Embling), l’intervention d’un médecin à bord du bateau est interdite mais des conseils médicaux peuvent être délivrés (maladie de Mano), les organisateurs prennent en compte les records intermédiaires (le temps du 1er au 4e jour de Kermadec)…
Alors certes, le film s’adresse ainsi à tout le monde, que l’on soit féru de voile ou débutant en la matière. Mais on a vite l’impression d’assister au parfait petit manuel du skipper engagé dans le Vendée Globe ! "En solitaire" vante finalement la grandeur de cette course dans un film publicitaire d’1h30 (on bouffe du sponsor tout du long) ne lésinant pas sur la beauté des images. Les techniques d’aujourd’hui permettent, en effet, de filmer au cœur de l’action, nous immergeant au côté du skipper, le mal de mer en moins ! Les plans sont beaux, la vigueur de la mer et la dureté de la compétition sont parfaitement rendues. Tel un documentariste, Christophe Offenstein, chef-opérateur des films de Guillaume Canet notamment, et dont c’est le premier long-métrage, filme au plus près du bateau – à l’intérieur ou à l’extérieur – sans trop de distanciation avec son sujet. Seules les reconstitutions en images de synthèse rappellent l’épopée du voyage et l’immensité de la mer…
Et c’est là le problème majeur de ce film qui se prend davantage pour un docu publicitaire, délaissant la fiction. Car le scénario est bien maigre. Sur le bateau, passée la surprise du jeune qui s’incruste pour rejoindre la France, l’histoire coule de source et conduira sans embûches le skipper vers la ligne d’arrivée. La maladie de Mano est à peine cernée par Yann Kermadec, n’en faisant aucunement un ressort dramatique. On est loin du "Welcome" de Lioret qui avait su traiter un sujet d’immigration avec une histoire forte et émouvante. Même le poids du mensonge du skipper (qui cache le jeune à tout le monde) ne prend pas. Sur la terre ferme, ce n’est pas mieux. Comme pour combler un vide, le scénario creuse les délicates relations entre la fille et la belle-mère, mais ces dernières trouvent rapidement une issue heureuse dans un retournement de situation assez grotesque qui voit la fillette dormir avec celle qu’elle venait d’envoyer balader une heure plus tôt !
"En solitaire" n’est donc en rien un film d’aventure, encore moins un drame humain en huis clos, c’est juste un joli reportage documentaire sur la course du Vendée Globe, où le spectateur prend plaisir à reconnaître des seconds rôles d’envergure (le pote Canet, mais aussi Rouve, Effira…) ! Et finalement, ce titre "En solitaire" est plus ironique qu’autre chose. Avec le développement des technologies de télécommunication, les skippers sont loin d’être seuls. Le film montre d’ailleurs que Kermadec est en lien constant avec son équipe à terre ainsi qu’avec sa femme et sa fille, à qui il envoie tous les jours les couchers de soleil qu’il voit pour lui montrer qu’ils ne sont pas si éloignés que cela. Connecté au monde, il aura en plus un passager clandestin à gérer et pendant quelques temps une concurrente de la course… On est loin des tours du monde en 80 jours d’antan… et ça aussi c’est bien dommage.
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