© Paradis Films
URSS, 1er novembre 1971. Sergei Dovlatov, journaliste pour l’un des organes de presse du régime, ne rêve que de publier ses propres écrits. Il est cependant envoyé sur un chantier naval pour couvrir l’inauguration d’un nouveau vaisseau et recueillir les fières impressions des ouvriers. Mais les dirigeant du journal d’entreprises trouvent que sa prose n’est pas assez positive...
Il est intéressant de constater que la sortie de "Dovlatov" arrive seulement quelques semaines après celle d’un film traitant, dans un cas contemporain, du même sujet : la pression sociale et les conséquences d’un pouvoir totalitaire (ou quasi) sur la liberté d’expression et particulièrement celle des auteurs ou romancier. Dans le cas de "Le poirier sauvage" il s’agissait de la Turquie contemporaine, contraignant souvent ses enfants à l’exil, vers plus de liberté. Dans le cas de ce film russe, il s’agit de l’URSS des années 70, continuant à parler en apparence d’une seule voix, vis à vis des bienfaits du régime soviétique. Dans les deux cas, il est question de création, de censure, de possibilité d’exil et de liberté à retrouver…
Mais le cinéma d'Alexei German Jr, contrairement à celui de Nuri Bilge Ceylan, tout aussi contemplatif, n'est cependant pas des plus accessible. Après "Soldat de papier" et "Under Electric Clouds", le voici qui se lance dans le biopic, autour des jeunes années de Sergei Dovlatov, contraint dans ses écrits par le système soviétique, qui lui demanda en permanence de reprendre ses textes ou lui passa des commandes inintéressantes, liées à la mise en valeur du travail de tel ou tel ouvrier.
Le récit se déroule sur seulement six jours, faisant monter la pression sur cet écrivain convaincu de son propre talent, pour mieux signifier l’urgence de retrouver une liberté salvatrice, ou la douloureuse alternative de se laisser enfermer dans le système. Endoctrinement, formatage de la pensée et de l'information, les poètes et auteurs russes qui sortaient du cadre ou souhaitaient exposer leur droit à une libre pensée étaient (alors) en souffrance. Et c'est à ce minage progressif d'un jeune homme éclairé et cynique, que l'on assiste au film du métrage, depuis des soirées privées où la parole se libère jusqu’aux passages obligés par le bureau de la culture, des souhaits de s'enfuir loin du pays jusqu’aux tentatives d'en finir. Le tout ponctué par des rêves étranges, mais signifiants de la situation de blocage du héros.
Typiquement russe dans la mélancolie alcoolisée qu’il dégage, "Dovlatov" doit énormément à Milan Marić, son acteur principal, qui s’impose avec aisance dans ce rôle délicat, armé d’ironie et d’une désinvolture marquant une certaine supériorité intellectuelle. Mais le flot de dialogues, parfois incongrus (notamment dans la bouche de la fille du héros) rend l'ensemble un rien pesant, malgré une approche esthétique louable et un évident parallèle avec l’époque actuelle. Quelques répliques pertinentes, qui marquent les esprits, viennent d’ailleurs appuyer cette sensation, telles « à l’est le nouveau ne remplace pas l’ancien, il en devient partie » ou « rien ne changera jamais ici ». De quoi avoir envie d’en savoir plus sur cet auteur, qui n’a pas été publié dans son pays avant 1989 et est mort à New York à l’âge de seulement 48 ans.
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