Rahima, 23 ans, et son frère adolescent Nedim, sont tous deux orphelins de la guerre de Bosnie. Dans un Sarajevo jamais vraiment reconstruit, Rahima doit s'occuper de son frère, malgré les difficultés quotidiennes dues à sa condition de femme voilée et de la pauvreté du pays. Tout se complique le jour où, à l'école, Nedim se bat avec le fils d'un puissant ministre du pays...
Révélée par "Premières neiges" auréolé du Grand Prix de la Semaine de la critique lors de son dernier passage à Cannes en 2008, la réalisatrice Aida Bejic est de retour pour un film extrêmement personnel, "Djeca", puisque celui-ci traite du quotidien d'une jeune femme voilée dans un Sarajevo post Guerre de Bosnie.
Le récit n'est pas autobiographique, mais traite pourtant d'un style de vie et d'un contexte que la jeune réalisatrice a pourtant bien connu. Bien que le conflit bosniaque se soit terminé il y a environ 20 ans, cet après-guerre n'offre toujours aucune visibilité sur l'avenir de toute une génération dont Aida Begic fait partie. C'est de cette reconstruction difficile et de ce quotidien sans certitudes dont traite "Djeca" à travers la vie de cette jeune femme, victime d'une double discrimination régulière par rapport à son statut de femme et de porteuse du voile. Les traumas résiduels de la guerre persistent à travers tout une génération, et il suffit de voir des enfants jouer dans la rue avec des pétards pendant toute la durée du film pour faire la transposition avec un conflit toujours frais. Pourtant, là n'est pas la trame principale du film. Car chaque drame national (et universel) est avant tout constitué de drames personnels.
Rahima doit lutter quotidiennement, en devant se faire respecter au travail, en affrontant l'assistante sociale ou les profs de son frère, pour que ce dernier puisse vivre convenablement. Affichant un hermétisme refroidissant à l'image de sa sœur (il ne l'aide jamais dans les taches de la maison, il critique presque son travail et n'est jamais reconnaissant) ce dernier souhaiterait presque être à nouveau orphelin pour n'avoir à se soucier de rien. Recherchant son indépendance dans la délinquance, il se construit une identité fantasmée (il rejoue la scène du miroir de "Taxi Driver" la première fois qu'il tient une arme). Puis, le jour où il va rentrer en conflit à l'école, avec le fils d'un politicien important, ce sera au travers une lutte des classes opposant les plus pauvres, luttant au quotidien, et une caste profitant de la reconstruction du pays. Au passage le film dénonce aussi une certaine incompréhension entre les diverses personnalités de chacun : le cuisinier homosexuel et croate est constamment chahuté par ses collègues, Rahima se prend des remarques de ses supérieurs à la fois pour son voile ("Maquilles toi ! Le fait de porter le voile ne te force pas à ressembler à un cadavre") ou son passé, comme lorsque ne sachant pas décorer un arbre de Noël, sa patronne l'accuse d'avoir "grandi dans une cave".
Malgré tout cela, le récit ne tombe jamais dans un misérabilisme facile. Aida Begic ne cherche jamais à attirer la pitié du spectateur. N'oubliant pas que la vie n'est pas faite que de coups durs mais également de petits moments dont il faut profiter (une fête de Noël, une partie de Playstation), le contraste de leur quotidien est affiché et représenté notamment par une bande son composée de musique classique en opposition avec les images. Ne résolvant pas toutes les intrigues de son film et laissant une multitude de portes ouvertes, Aida Begic nous livre une trame inachevée (la vie de ces personnages ne s'arrête pas la lumière se rallume dans la salle de cinéma) pour un récit concluant sur une énorme note d'espoir et un message simple et efficace : la reconstruction d'un pays passe d'abord par la reconstruction de sa famille.
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