© Metropolitan Filmexport
Quand Jill Parrish rentre de bon matin après une nuit de travail, sa sœur Molly a disparu. Ayant elle-même été la victime de rapt et de séquestration un an plus tôt, Jill est persuadée que sa sœur a été enlevée par le même homme. Face à une police incrédule et à l’indolent petit ami de Molly, Jill décide de mener seule l’enquête…
Cette « Disparue » aurait pu s’appeler « La Disparition » car c’est un film sans « e », ou plutôt sans « eux » : ceux qui font habituellement le sel d’un bon polar, ces personnages candides ou mystérieux, passionnants ou repoussants qui peuplent l’univers ultra codifié des serial killers et des kidnappings de jeunes femmes. « Eux », ce sont également les qualités qui offrent traditionnellement à un scénario son déroulé palpitant et ses étonnants rebondissements : la crédibilité, la force des caractères, le mobile infaillible. Mais « eux » sont tout bonnement absents de cette fiction instable, parce que c’est « elle » qui occupe le devant de la scène. Amanda Seyfried assujettit quasiment chaque plan à sa jeune et frêle personne. Cannibale de l’image et du récit, elle phagocyte complètement le sujet pour transformer une banale histoire de rapt en une réflexion exaltée sur le traumatisme et le combat psychologique qui s’ensuit. En conséquence, la « Disparue » du titre n’est pas Molly, mais Jill elle-même : disparue aux yeux de tous ou presque, corps évanescent planant au-dessus des choses et des gens, le film relate sa lutte pour faire de nouveau partie intégrante de la société humaine.
Aussi paradoxal que cette remarque puisse paraître, il n’est pas surprenant, de la part du réalisateur brésilien Heitor Dhalia (auteur en 2009 du lunaire « A Deriva » avec Vincent Cassel et Camilla Bella »), que sa « Disparue » passe totalement à côté de son sujet. Car il était naturel d’attendre plus de ce metteur en scène qu’une énième histoire de femme-enfant-courage essayant de sauver une compatriote d’un vilain tueur. Il suffit de quelques minutes pour se rendre compte que la partie thriller de son film repose sur des bases extrêmement bancales - en fait dès que Jill a croisé quelques-uns de ses partenaires d’enquête, autant de caractères parfaitement imbéciles, et dès que sa difficile recherche trouve d’invraisemblables solutions – , car tout semble se dérouler un peu trop facilement pour elle. Le ridicule avec lequel le réalisateur amène le personnage du flic récemment muté, incarné par Wes Bentley, et potentiel suspect au bout de quinze secondes, prouve bien que l’intérêt réside ailleurs : dans la partie humaine du script, dans la délicate alchimie entre le corps de l’actrice et la psychologie du protagoniste.
« Disparue » est un film-véhicule voué à la seule personne de Jill, dont Amanda Seyfried est le moteur. La jeune comédienne d’origine allemande, vue récemment en richissime fille de bonne famille dans « Time Out » d’Andrew Niccol, joue pleinement de l’ambiguïté d’un visage-enfant posé sur un corps-femme pour composer un personnage situé entre deux âges et entre deux états. Kidnappée autrefois par un homme qui la séquestra dans un puits perdu en forêt, ayant réussi à s’échapper in extremis en blessant son agresseur, Jill se débat dans la contradiction de sa survie : puisqu’elle est bien vivante et que le suspect reste introuvable, personne ne la croit, et tout doit nécessairement sortir de sa tête. Jill n’existe que dans le présent d’une vie hantée par le passée, elle passe l’essentiel de son temps à chercher son lieu de détention dans le vaste bois proche de Portland et s’inquiète à la moindre silhouette suspecte qui marche dans sa direction. À l’opposé, sa sœur Molly regarde vers l’avenir, puisqu’elle est dans la démarche de préparer un examen important. Dans ce film-véhicule, Jill ne scrute que le rétroviseur de sa vie et avance dans le noir le plus complet – à l’image de la séquence finale qui la voit rejoindre son ravisseur à la nuit tombée.
Récit d’une femme-enfant devenue femme-forte par nécessité psychologique, « Disparue » est plus à regarder comme un portrait d’Amanda Seyfried qu’autre chose. C’est d’autant plus vrai que l’actrice reconnaît être sujette à l’anxiété et aux attaques de panique, et que le déroulement de l’existence de son personnage pourrait aisément refléter son style de vie dans la réalité : le présent dominant l’avenir. Il faut certes être un admirateur de la comédienne pour se laisser envoûter par ce film. Mais gageons que ses détracteurs pourraient changer d’avis sur l’étendue de ses… avantages, lorsqu’ils la verront en star du porno dans son prochain long-métrage, « Lovelace ».
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