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Pier vit à Paris de chantiers et de petits larcins réalisés pour le compte de Rachid, son ami et père de substitution. Il apprend un jour que son vrai géniteur, dont il n’avait plus de nouvelles depuis longtemps, vient d’être retrouvé mort. Ancien tailleur de diamant dont la carrière avait brutalement pris fin suite à un grave accident, cet homme avait connu une longue période d’errance et de solitude. Furieux contre son oncle, qui s’est enrichi en perpétuant le business diamantaire familial et qu’il juge coupable de la déchéance de son père, Pier élabore ce qui pourrait être la vengeance de toute une vie…
Un gros plan graphique sur une platine d’acier en rotation. Une musique lyrique très 70’s façon Ennio Morricone pour Dario Argento. Une photographie vintage ultra saturée. Et du sang, sombre et épais, qui se répand sur le sol… Dès les premières secondes, nous voici plongés dans une ambiance travaillée à la façon des gialli italiens. Pourtant, il ne s’agit là que d’une introduction, un flash-back visant à planter un décor social (le milieu fascinant des diamantaires) et exposer un drame liminaire, dont on ne reparlera quasiment plus mais qui planera sur l’ensemble des personnages. Malgré les apparences, "Diamant noir", récit d’une quête de vengeance soigneusement orchestrée, est bien un polar contemporain ancré dans le réel.
Or très rapidement, un constat s’impose : s’il s’inscrit dans la lignée traditionnelle des films noirs, ce long métrage sort clairement du lot. Il a beau être une première réalisation, il se situe à mille lieues de la tendance naturaliste du jeune cinéma français, incarnée notamment par la génération Fémis (Céline Sciamma, Rebecca Zlotowski, Thomas Cailley…). Tout, de la narration à la direction d’acteurs, en passant par le choix de Abdel-Hafed Benotman -romancier algérien décédé à l’issue du tournage - dans le rôle de Rachid, semble émaner de la littérature policière, bien plus que du cinéma. S’en dégage une douce sensation surréaliste, amplifiée par des personnages tous plus mystérieux les uns que les autres (l’oncle suisse opaque, le fils épileptique, la bru à la fois sauvage et fragile) et des décors magnétiques. Parmi ceux-ci la maison de famille, un immense chalet enfoui dans les bois où Pier va devoir s’installer, théâtre d’incidents nocturnes tantôt fascinants, tantôt effrayants.
Pour autant, "Diamant noir" est loin de se résumer à un objet esthétique un peu étrange. C’est avant tout une intrigue captivante aux multiples facettes, certes classique mais bien ficelée, qui ne fait pas l’économie de séquences de suspense bien senties. Le dernier quart d’heure est, en cela, un petit bijou de tension calme, fruit d’une progression scénaristique patiemment installée et d’une mise en scène millimétrée quasi-hitchcockienne. Reste à saluer le jeu subtile des acteurs, dont les partitions respectives sont toutes d’une infinie complexité, et notamment l’interprétation de Niels Schneider (découvert dans "Les Amours imaginaires" de Xavier Dolan), qui révèle enfin sa part obscure. Par son regard noir, sa voix grave et sa dégaine un peu gauche, il est mémorable.
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