© Paramount Pictures France
Paul Kersey est un chirurgien urgentiste qui mène une belle vie de famille dans les beaux quartiers de Chicago. Le jour où sa fille tombe dans le coma et où sa femme est sauvagement tuée lors d’un cambriolage qui tourne mal, tout bascule pour lui. La vengeance commence, et elle sera cruelle, très cruelle…
Coupons déjà court à cette persistante rumeur voulant faire du film culte de Michael Winner cette soi-disant apologie de l’auto-justice que certains bobos n’ont pas manqué de fustiger derrière leur pull cachemire. Sec et objectif, "Un justicier dans la ville" avait comme principale force d’incarner en 1974 les angoisses prégnantes d’une société 70’s désillusionnée et d’utiliser son antihéros central – Charles Bronson en paisible architecte passant peu à peu d’homme brisé à justicier armé – comme excroissance d’un contexte social très bouillant. Il en fut de même pour "L’inspecteur Harry" de Don Siegel ou "Les Chiens de Paille" de Sam Peckinpah, deux grands films eux aussi taxés de fascisme là où leur imprégnation d’un monde renfermé sur son obsession sécuritaire s’accompagnait d’une ambiguïté salvatrice, questionnant autant nos acquis moraux que notre rapport à la notion même de justice. L’aberration ne résidait clairement pas dans le fait d’envisager un remake d’"Un justicier dans la ville" à notre époque : la flippe installée par la politique impitoyable de Trump et le spectre du revival d’une justice expéditive encouragée par les bovins de la NRA suffisaient à dessiner un cadre contemporain, justifiant à lui seul une réactualisation digne de ce nom. Mais pour cela, il ne fallait pas laisser n’importe qui faire n’importe quoi.
Si offrir aujourd’hui au grand public un vrai et grand vigilante movie – et qui plus est le remake du film matriciel qui en aura défini tous les codes – pouvait trouver une vraie résonance, c’était par le biais d’un cinéaste qui s’interroge à la fois sur l’état du monde d’aujourd’hui et sur la façon dont l’individu prétendument socialisé peut s’en retrouver éjecté par l’effet du destin. Autant dire tout ce qu’un cinéaste brillamment investi comme Joe Carnahan aurait pu concrétiser, et qu’un fan-boy aussi sympathique soit-il du niveau d’Eli Roth – ici catapulté réalisateur suite au désistement de Carnahan – s’est toujours révélé incapable de faire. Soit un cinéaste jusque-là techniquement doué et souvent inspiré, mais dont la propension à singer la posture du cinéphage trop ravi de se frotter à un genre qu’il a toujours vénéré lui avait parfois valu de franchir la ligne jaune. Ici, il viole carrément la ligne rouge du tolérable en pondant une mise en scène sans idées ni point de vue, sans comprendre le film – et encore moins le genre – dont il se veut le légataire. Ici, le nouveau Paul Kersey, auréolé d’un statut de chirurgien (ça promet), devient fissa une machine à tuer après le massacre de sa famille, et se contente d’aligner les cadavres avec le sourire crispé du mec vénère qu’il ne faut surtout pas faire chier si on veut rester en vie. "Death Wish" fuit donc son modèle pour embrasser le ton bête et réac de ses quatre suites – celles-là même qui auront fini par transformer Charles Bronson en caricature.
En l’état, c’est dire si le grand et granitique acteur d’"Il était une fois dans l’Ouest" doit se retourner dans sa tombe en voyant ce grand benêt de Bruce Willis lui pourrir son rôle culte avec une absence totale d’implication et un je-m’en-foutisme qui ne fait même pas l’effort d’être drôle. Tout comme il l’avait démontré avec un Keanu Reeves inexpressif dans le très rigolo "Knock Knock", Eli Roth ne cherche même pas à diriger les ex-pointures hollywoodiennes dont il dispose et les laisse singer les somnambules en roue libre en s’intéressant davantage à une enfilade de scènes traitées de manière gonzo. Sauf que l’évolution narrative et la bascule idéologique qui prenaient chair chez Michael Winner virent ici à la logique facho sans recul ni ambiguïté, nous laissant ainsi avec un sale goût dans la bouche à chaque mise à mort et justifiant du même coup les critiques de film pro-NRA qu’il se sera mangé dans la gueule aux Etats-Unis. Mieux vaut revoir mille fois le fulgurant "Death Sentence" de James Wan, peut-être le meilleur vigilante à ce jour, dans lequel la vengeance et la marche funèbre avaient au moins l’intelligence d’avancer en douceur et en douleur, main dans la main, via une mise en scène pour le coup génialement pensée.
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