affiche film

© Metropolitan FilmExport

DAYBREAKERS


un film de Michael et Peter Spierig

avec : Ethan Hawke, Willem Dafoe, Claudia Karvan, Sam Neill…

En 2019, un mystérieux fléau s’est abattu sur la Terre, transformant la majorité de la population mondiale en vampires. Les humains ne sont plus qu’une petite minorité, entretenue uniquement pour nourrir l’espèce dominante. Edward Dalton travaille dans la recherche hématologique : il cherche à créer un ersatz de sang humain, afin de nourrir la population et sauver les derniers hommes…


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Photo film

Pour le meilleur et le vampire…

En 2010, les vampires n’effraient plus grand monde. L’habitude de les voir déambuler dans les sombres couloirs des écrans de cinéma a totalement – ou presque – inhibé notre crainte de ces monstrueuses humanités corrompues. Et pourtant, depuis le saisissant retour aux sources signifié par le « Dracula » de Coppola, les cinéastes de tous âges n’ont eu de cesse de nous confronter encore et encore aux suceurs de sang, comme s’ils voulaient faire de leur film le premier du genre à montrer des créatures aux longues canines et aux yeux injectés de sang. Peine perdue, dans la plupart des cas ; et pour le spectateur, sensation inépuisable de répétition du même. A part Carpenter et ses « Vampires », rares sont ceux qui sont parvenus à atteindre une dimension originale du mythe vampirique, au-delà des tentatives de retour au classicisme des adaptations d’Anne Rice (« Entretien avec un vampire ») ; la seule solution, pourtant, pour sortir de la spirale de l’éternelle reproduction, est bien de proposer une vision inédite qui tienne compte des connaissances cinéphiliques, et non d’espérer que le public reste ignorant des classiques du genre.

Le propos de départ des frères Spierig (déjà repérés par les amateurs de genre avec « Undead » en 2003), Australiens d’origine, rentre dans ce cadre précis de l’originalité. Leurs vampires n’ont plus cette marginalité qui était le propre du comte Dracula et de ses sbires, discrets par nécessité vitale. Au contraire, ils ont désormais pignon sur rue : en mélangeant au thème vampirique celui de la catastrophe naturelle – une épidémie d’ampleur mondiale, dont nous ne saurons pas grand-chose, a métamorphosé une grande majorité de l’humanité en suceurs de sang, laissant peu de survivants littéralement vivants – qui ravive nos démons eschatologiques, ils proposent le modèle d’une société futuriste qui a vu les vampires devenir l’espèce dominante sur la planète, reléguant les humains à l’état de simple bétail. Et des vampires qui, malgré tout, conservent les propriétés de leurs ancêtres littéraires et cinématographiques : ils prennent feu au soleil, ne se reflètent pas dans les miroirs et meurent si on leur enfonce un pieu dans le cœur.

C’est donc désormais l’homme qui se cache, qui se meut en toute discrétion, qui fuit sans cesse, qui reste dans la lumière tandis que les maîtres prennent possession du monde de la nuit. Ce renversement nodal permet aux frangins malins de décliner toute une série de situations insolites et effrayantes : on vit de nuit et dort de jour ; on se rend au kiosque pour acheter un verre de sang, « pur à 20% » ; on croise, près des écoles, des panneaux indiquant des « Passages nocturnes d’élèves » ; on s’offre des bouteilles de sang 10 ans d’âge ; on subit des émeutes du sang en lieu et place des émeutes de la faim… L’objet du film surgit pleinement de ces situations paradoxales : la monstruosité est toute relative, l’abomination change aisément de camp. L’humanité, en voie de disparition, représente une mode désuète ou, au choix, un luxe réservé aux plus riches. Mais la décadence n’est pas loin : les vampires qui ne se nourrissent plus de sang subissent les effets de la carence, et se transforment physiquement, perdant leur apparence humaine pour devenir de véritables monstres aux grandes ailes, plus proches de la chauve-souris que du bipède intelligent.

Ce schéma riche en possibilités offre aux réalisateurs de multiples opportunités pour bâtir une critique cinglante (sanglante ?) de notre propre société. Car le sujet, ici, c’est bien la disparition potentielle de l’homme dans un avenir proche. De là à calquer sur ce patron des paraboles sociales… Il serait simple, ainsi, de voir dans la condition des humains une évocation de la situation des immigrés aujourd’hui ; ou de percevoir, dans la dégradation corporelle des « dégénérés », ces vampires en soif de globules rouges, l’image corrompue renvoyée par ces sans-abris, ces désespérés, ces laissés-pour-compte qu’une majorité de la population garde consciemment au bord du chemin. Le propos du cinéma fantastique laisse souvent poindre une critique sociale acerbe. Seul bémol : dans la traduction de leur propos, les Spierig se sentent parfois obligés – pour répondre aux attentes d’un public plus jeune ? – de marteler quelques effets sonores dénués de sens, et qui tendent à déstabiliser l’ensemble.

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