©Capricci Films Distribution
Dans une nature hivernale et rude, en douce marge du monde, « Curling » s’intéresse à l’intimité d’un père et de sa fille de douze ans, solitaire. Entre les boulots ordinaires, Jean-François Sauvageau consacre un temps maladroit à Julyvonne. L’équilibre fragile de leur relation sera mis en péril par des événements singuliers…
« Curling » est un film tout à fait singulier, qui ne laisse pas indifférent. Le pour/contre n’a pas vraiment lieu d’être ici, car comment dire qu’on a aimé ? Ce film a tout pour mettre mal à l’aise, pour susciter des émotions dont on se passerait bien. On ressort de la séance soit déprimé, soit en colère, soit abattu, ou les trois en même temps. Mais quel talent de réalisateur ! Entre le film social et le film d’enquête, on assiste à des moments de fulgurance fantastique, comme à d’autres à la limite de l’anthropologie et de l’étude du lien père-fille. Parvenir à créer une telle atmosphère doucement morose, parfois malsaine, et obtenir un bouche-à-oreille des plus favorables : bravo. Le film a reçu une liste impressionnante de prix tout autour du globe, dont celui de la mise en scène au Festival de Locarno. Cela est amplement mérité, car dans cette œuvre, tout est en suspend, et pourtant tout laisse des traces. Des plans restent gravés, tel un regard à travers une serrure, un tigre dans la neige ou encore un père et sa fille marchant côte à côte sur une route dans le blizzard.
Le rapport au monde extérieur, fait d’incompréhension, de terreur et de fascination conduit à une vie quasi autarcique chez la jeune fille, livrée à elle-même toute la journée dans l’attente du retour du père. Ce dernier, très angoissé par l’Autre et maladroit dans son rôle d’éducateur, cherche à protéger sa fille à tout prix, au point de couper Julyvonne de ce qui constitue habituellement le quotidien d’une adolescente : école, amis et activités. Cette jeune fille s’ennuie, son regard vide dénote un retard psychique probable, et c’est dans un monde à la limite du réel qu’elle évolue. Alors qu’elle se promène seule dans la forêt enneigée, elle tombe sur des cadavres glacés. Comble du pathétique et de l’étrangeté, elle viendra chaque jour les voir, comme des amis à qui on rend visite.
Denis Côté dispose ainsi d’une rare habileté à rendre au spectateur l’importance qu’il devrait toujours avoir au cinéma, son jugement et sa capacité à nourrir les ellipses. Le cinéaste fait preuve d’une virtuosité certaine en rendant le hors-champ menaçant et interrogateur, en laissant le film respirer et le spectateur haleter. La métaphore du curling (sport de glace très présent au Canada) est à saisir comme une enveloppe fortificatrice du foyer, un moyen de l’entourer pour former un cercle protecteur. Alors n’hésitez pas à venir briser la glace…
LA BANDE ANNONCE
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais