© Gaumont Distribution
En pleine campagne, le cirque Delvaux se produit chaque soir pour distraire les familles avec ses cascadeurs, ses hommes de petite taille et ses géants de la nature… Le spectacle propose même un cannibale qui fait peur aux enfants ! Footit, un clown blanc qui recherche un nouveau numéro, a l’idée de s’allier avec le cannibale qu’il transforme en clown « Auguste », servant de faire-valoir pour provoquer le rire… La formule est un tel succès que le duo se voit proposer de se produire à Paris…
S’attaquer à la biographie d’un personnage aussi fort et paradoxalement aussi méconnu que Chocolat – un clown noir héros du tout-Paris au début du XXe siècle – était à la fois une idée originale et ambitieuse. Le défi était de réussir à donner vie à un duo de clowns dont le succès reposait sur l’humiliation subie par l’un des deux, en l’occurrence le nègre, tout en comprenant les liens qui les unissaient et les motivations qui les portaient. Il fallait faire revivre cette époque colonialiste et d’avant-guerre, la rendre crédible, pour comprendre que le racisme d’antan n’était pas le même qu’aujourd’hui. Sacré challenge pour Roshdy Zem qui, aux manettes de "Chocolat" avec Omar Sy en haut de l’affiche, se retrouvait à la tête d’une super production à la française où l’échec ne devait même pas être envisageable. Signalons-le d’entrée de jeu, le contrat est à moitié rempli…
Roshdy Zem s’est fort heureusement entouré d’une très belle équipe technique. On aura peu à redire sur la reconstitution des décors et des costumes, tout étant plus vrai que nature. En s’adjoignant les talents de James Thierrée (le petit-fils de Charlie Chaplin et artiste complet) dans le rôle du clown blanc, Zem bénéficie d’un virtuose de la scène qui réussit à créer d’authentiques numéros de cirque et à donner vie à des spectacles drôles et vivants. S’il est aisé pour Thierrée d’enfiler le costume du clown, soulignons qu’Omar Sy, moins habitué à l’exercice, s’en tire avec les honneurs. Il faut dire que Roshdy Zem capitalise merveilleusement sur les atouts de l’acteur césarisé pour "Intouchables" : son sourire, son charme et son rire communicatif ! Omar Sy séduit autant en clown adulé qu’en homme parfois surpassé par ses démons (le jeu et l’alcool, sur lesquels le scénario aurait pu être plus incisif). Quant à James Thierrée, il est plus subtil encore dans la peau d’un personnage très ambigu hors de la scène (son attirance pour les hommes est malheureusement à peine effleurée).
C’est donc un scénario trop édulcoré qu’on nous sert, ce qui confère au métrage une saveur sucrée un peu trop prononcée : on nous fait croire, par exemple, que son nom vient du fait qu’il est « à croquer », on amplifie l’amitié entre les deux clowns alors que la réalité était beaucoup plus sombre… Sans avoir la flamboyance de "La Môme", ni la noirceur de "Vénus noire", "Chocolat" a donc un bel emballage mais il aurait gagné à être plus « corsé » et moins complaisant. Moins brouillon également ! Roshdy Zem se perd parfois dans la complexité de la personnalité du clown noir, entre euphorie du succès puis refus de l’humiliation, dépendance au jeu et accumulation des dettes, désir de reconnaissance et prise de risque dans une société qui n’est alors pas prête à aduler une vedette pour ce qu’elle n’est pas, à une place qu’elle ne mérite pas. Enfin, pourquoi finir le film de manière aussi abrupte ? Pourquoi éluder la déchéance du héros, source des plus beaux drames dans les films biographiques ? Des choix scénaristiques discutables. Dommage, de "Chocolat", on aurait préféré ne faire qu’une bouchée, alors que l'on sort de la projection un peu amer.
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