© Warner Bros. France
Cuba, 1952 : le général Fulgencio Batista fomente un putsch, s'empare du pouvoir et annule les élections générales. Bravant ce dictateur corrompu, un jeune avocat, Fidel Castro, candidat à la députation sous la banniÚre du Parti du Peuple, passe à l'action. Dans l'espoir de provoquer un soulÚvement populaire, il attaque avec 150 jeunes la caserne de Monaca le 26 juillet 1953. L'opération échoue ; Castro passe deux ans en prison. Amnistié en 1955, il s'exile à Mexico. Pendant ce temps, au Guatemala, un jeune Argentin idéaliste, Ernesto Guevara, se lance en politique...
Avec ce projet trĂšs ambitieux, Steven Soderbergh a pris de gros risques. Financiers dâabord: aucun studio amĂ©ricain nâa voulu mettre un dollar dans son entreprise. Tous les fonds sont finalement europĂ©ens et la distribution de son film sur le territoire US nâĂ©tait mĂȘme pas certaine au moment de commencer le tournage. Artistiques ensuite : se lancer dans le rĂ©cit de la vie du Che, saint patron des rĂ©sistants, câest risquer de tomber dans lâhagiographie ce que le rĂ©alisateur a refusĂ© et rĂ©ussi grĂące Ă deux volets, de presque 2 h 15 chacun, oĂč deux facettes diffĂ©rentes sont successivement prĂ©sentĂ©s dâabord sur la force de lâhomme puis sur les limites de son idĂ©al socio-politique.
En outre, Soderbergh a entiĂšrement tournĂ© son diptyque en espagnol, se privant dâune large diffusion amĂ©ricaine. Il nây avait bien que le rĂ©alisateur ambidextre de « Sexe, mensonges et vidĂ©o » et « Oceanâs Eleven » pour se lancer dans ce projet fou quâil couve depuis le tournage de « Traffic » (2001), lorsquâil a remarquĂ© une ressemblance physique troublante entre Benicio Del Toro et le Che.
Et effectivement la ressemblance est impressionnante. Mais lĂ nâest pas le plus important, ce qui trouble davantage câest la capacitĂ© de Benicio Del Toro Ă incarner le Che et Ă faire Ă©merger son humanitĂ© et son humanisme, ses rĂȘves et ses ambitions en composant un homme Ă la fois simple et complexe, fragile et fort. Soit toute lâambiguĂŻtĂ© du « commandante ». Un prix dâinterprĂ©tation cannois et une salve dâapplaudissements ont mis en lumiĂšre un avis unanime sur une prestation qui fera date dans sa filmographie.
« Che â partie 1: LâArgentin » installe lâhomme dans lâHistoire. Soderbergh fait de la macro en dissĂ©quant la personnalitĂ© du Che (docteur, soldat, photographe, meneur), tout en replaçant le combat que ce dernier mĂšne dans le contexte historique dâalors. Câest une des grandes forces de ce film. Sur le fond, cette premiĂšre partie reprend la classique montĂ©e de la rĂ©volution cubaine dans les annĂ©es 50 et la mouvance crĂ©Ă©e chez les hommes, les femmes et les enfants de lâĂźle. Egalement, elle analyse de maniĂšre plus originale lâorganisation de ces camps de guerre et sâarrĂȘte sur lâambiguĂŻtĂ© de la relation entre Fidel Castro et le Che.
Sur la forme, Soderbergh fait des merveilles. Il alterne idĂ©alement couleurs et noir et blanc, passĂ© et prĂ©sent. Il rĂ©ussit brillamment Ă faire dâune chronique de guerre, un portait intime. Seul bĂ©mol, la musique dâAlberto Iglesias, le compositeur attitrĂ© de Pedro Almodovar, qui par moment ne colle pas du tout Ă lâambiance du film et est bien souvent trop dramatique⊠Pour un film non-hollywoodien, on aurait imaginĂ© moins grandiloquent.
Car Soderbergh, lui, Ă©vite tout sensationnel, hĂ©roĂŻsme ou romantisme pour se concentrer sur la fureur : celle de la guerre et celle dâun homme en lutte contre la pauvretĂ©, lâillettrisme et la corruption parce que, comme il le dit lui-mĂȘme, « une population qui ne sait pas lire ni Ă©crire est facile Ă manipuler ». Le film en ce sens prend une autre dimension plus universelle et malgrĂ© les controverses concernant lâhomme (les tribunaux rĂ©volutionnaires sont dâailleurs montrĂ©s), on comprend ses motivations, son idĂ©al⊠Câest aussi cela le Che, un visionnaire qui sâest battu corps et Ăąme pour ce Ă quoi il croyait.
CONTRE: Niveau â 1
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